Le théâtre occupe le terrain

Avec Balises, opération visant à rendre plus lisible l'offre théâtrale lyonnaise, une idée simple mais forte va balayer la saison 2013/14 : il y a du spectacle vivant partout. Explication. Nadja Pobel


Trente spectacles et presque autant de lieux. Ce pourrait n'être qu'un constat chiffré parmi d'autres, mais c'est bien plus que cela : en pointant des pièces dans de très nombreuses salles de l'agglomération et du centre-ville, le programme Balises dit que le théâtre ne vit pas qu'aux Célestins/Point du jour/TNP/Croix-Rousse/TNG, en tout cas pas seulement – quatre d'entres eux figurent au programme. L'idée qui préside à Balises n'est pas de construire un énième festival – il y en a déjà, chacun avec sa spécialité -  mais de rendre visible et lisible l'offre en la matière, pléthorique. Car si le Grand Lyon a ses biennales, son festival Lumière et ses Nuits Sonores pour mettre en avant la danse, l'art contemporain, le cinéma et les musiques actuelles, le théâtre, pourtant omniprésent, n'est lui pas célébré. Or, avec 400 000 spectateurs et 2200 levers de rideaux pour présenter plus de 400 spectacles dans 25 lieux en 2011, son palmarès est celui d'une métropole avant l'heure. Ce que veut Gérard Collomb politiquement existe déjà théâtralement, nous dit Jacques Fayard, directeur de l'Elysée, à l'origine de ce projet. Et il s'attachera, avec les autres adhérents à Balises, à le faire savoir tout au long de la saison avec une formule simple : la mise en avant de spectacles, à la guise des directeurs et directrices en fonction de leur ligne artistique, dans chacun des lieux affiliés, une place achetée pour une place offerte selon un quota défini préalablement et le tour est joué !

Les fédérés

Le but de la manœuvre est aussi de montrer que la création n'est pas l'apanage des grandes salles. Le Théâtre Jean Marais de Saint-Fons et celui de l'Atrium à Tassin-la-demi-Lune, par exemple, accompagnent conjointement (avec l'aide également des Subsistances) la compagnie de nouveau cirque Virevolt. 50/50, sa prochaine création, se fera dans ces trois endroits au printemps prochain grâce à cette mutualisation. «Nous n'avons pas les mêmes moyens que les grandes salles, rapporte Amélie Charvier de l'Atrium, mais nous nous engageons dans les créations dans la mesure de nos possibilités. Nous allons au-delà de la simple diffusion». Avoir les artistes en répétitions dans "ses" murs lui permet en effet de mener des actions de médiation culturelle, de la visite de coulisses à la rencontre.

De la même manière, le Théâtre Théo Argence de Saint-Priest, l'Atrium et le Théâtre Jean Marais ont décidé de "baliser" la prochaine création de Pauline Sales, En travaux. L'occasion de promouvoir une jeune auteur et metteur en scène qui aborde des sujets contemporains (ici la rencontre sur un chantier du bâtiment entre un français de souche bien installé dans sa vie professionnelle et personnelle et une biélorusse au passé flou). Brigitte Pélissier, directrice du Théâtre Jean Marais, a beau revendiquer ce genre de proposition, elle reconnait cependant sans langue de bois que la jauge se remplit moins facilement que pour un Molière. Mais comme à ses yeux «le théâtre, ce n'est pas que les classiques», elle a également choisi de mettre en avant Avenir radieux, une fission française, un dérangeant et nécessaire spectacle sur la question nucléaire.

Autres pièces attendues de Balises : Regards, émouvant solo chorégraphique de Séverine Fontaine sur l'éveil de l'enfance (à l'Espace Albert Camus de Bron), El Cid par Philippe Car, ancien membre du génial duo marseillais des Cartoun Sardines (au Polaris de Corbas) ou encore Mon traître d'Emmanuel Meirieu (au Radiant-Bellevue de Caluire) et Innocence (voir ci-contre) par Howard Barker et la compagnie nÖjd (aux Célestins).

Petits et grands

Comme cette amorce de liste le montre, parmi les salles qui adhèrent à ce parcours, figurent aussi bien des théâtres municipaux que des CDN ou des scènes nationales. Pour Brigitte Pélissier, ce mélange est fondamental : «c'est la première fois que des théâtres, grands, petits ou moyens, se fédèrent sans que l'initiative ne vienne d'en haut», d'autant que des pièces très primées comme Oh boy ! se retrouvent dans ces salles plus petites. L'objectif n'est de fait pas d'engranger à tout prix des recettes et de multiplier le nombre de spectateurs, mais bien de faire circuler ceux-ci, de les mettre au courant de la venue de telle pièce appelée à repasser quelques mois plus tard dans une autre commune de l'agglomération et ainsi faire marcher le précieux bouche-à-oreille.

Actuellement, les salles municipales de l'agglo ont un public qui, pour la moitié, est constitué des habitants de la commune, le reste étant issu des zones limitrophes, souvent des arrondissements de Lyon. Et les habitudes changent, comme le note Amélie Charvier : «les abonnés sont moins nombreux qu'auparavant, les spectateurs prennent leurs places moins en amont, pour autant, nous avons plus de public qu'il y a trois ans». Le public, s'il reste présent, est donc plus volatile et plus sensible à des propositions éclatées qu'à des obligations d'abonnement. Le Théâtre de la Renaissance l'a d'ailleurs très bien compris, en supprimant dès cette rentrée ce système. C'est pour que tous ces lieux soient mieux connus que le phare de Balises s'éclairera place de la République à Lyon les 20, 21 et 22 septembre.


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20 ans à l'Opéra