Contre nature, tout contre


«Mais ils faisaient signe ; les feuilles étaient vivantes ; les arbres étaient vivants. Et les feuilles, parce qu'elles étaient reliées par des millions de fibres à son propre corps, là sur le banc, l'éventaient ; lorsque la branche s'étirait, il faisait de même. Les moineaux qui voletaient, montant et retombant en jets dentelés, faisaient partie de l'ensemble ; le blanc et le bleu étaient barrés de branches noires. Des sons formaient des harmonies préméditées ; les intervalles entre eux avaient autant de sens que les sons eux-mêmes.», écrit Virginia Woolf à propos de Septimus, personnage schizophrène, dans Mrs Dalloway. Cette absence (ou perte) de limites, cette vie brut qui sourd des prés comme dans les poèmes de Rimbaud, ce mélange des règnes (végétal, animal, humain) enfantant des corps inouïs, font partie intégrante de l'œuvre du peintre lyonnais Frantz Metzger (né en 1980).

Proche de l'univers de Francis Bacon, l'artiste (dé)compose des métamorphoses autant que des hallucinations visuelles. Celles-ci, ainsi que dans la psychose, sont tout autant réelles qu'imaginaires, incarnées que fantomatiques, charnelles que peintes. On voit, ou l'on croit voir, des accouplements contre nature entre des corps anonymes, des combats confus, des glissements et des entremêlements de chair déliquescente, parmi des no man's lands herbus ou boisés. Aux questions basiques «Qui ? Quoi ? Où ? Quand ?», Frantz Metzger n'apporte aucune réponse. Mieux, il plonge le spectateur parmi ses énigmes fascinantes.

Jean-Emmanuel Denave

Frantz Metzger
A la Galerie Pallade, jusqu'au samedi 5 octobre


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