La rentrée musicale en dix dates

Nous ne savions pas dans quelle case faire entrer les dix concerts qui suivent. Mais ils sont tout autant que ceux couverts par nos panoramas, si ce n'est plus, des jalons incontournables de ce début de saison musicale. Stéphane Duchêne, Benjamin Mialot et Térence Caron


Born Ruffians

Les quatre Canadiens de Born Ruffians avaient produit leur petit buzz en 2008 avec Red, Yellow and Blue, un disque d'indie rock de campagne galopant, joué sans effet, avec humour, en direct du garage de maman. Autant fans de country que de funk ou tout simplement de pop sophistiquée, ils sont surtout imprévisibles et là est tout leur talent. Après Say It, disque attachant où la recette se faisait encore plus raffinée et complexe, Birthmarks, le petit dernier, les voit basculer dans des sphères dansantes, électro-pop même (Permanent Hesitation, Rage Flows), tout en gardant leur versatilité. Un son plus "club-friendly" qui a séduit le brasseur Grolsch et le Sucre, mais qui s'estompera derrière les grosses guitares et la liste de tubes impeccables du groupe.

Au Sucre, jeudi 3 octobre

 

Queens of the Stone Age

Les reines de la stoner pop sont enfin revenues en studio cette année pour produire Like Clockwork, sixième album en forme d'autobiographie de leur leader, Josh Homme. Parti à l'hôpital en 2010 pour une chirurgie du genoux, opération bénigne, il en sortira quatre mois après avec le souvenir d'une "presque-mort" comme on l'appelle aux USA, les médecins ayant sans doute forcé sur l'anesthésie. Like Clockwork est un disque inégal, qui joue la carte de l'opéra-rock, bien loin des riffs désertiques d'un Song for the Deaf. Mais sur scène, le son vicieux et puissant, la tripotée de tubes (de No One Knows à Little Sister) ainsi que l'attitude de rockstar assumée de Homme sont inattaquables. Une valeur sûre, en somme.

A la Halle Tony Garnier, mardi 12 novembre

 

Phoenix

Après Wolfgang Amadeus Phoenix en 2009, qui a valu au groupe un Grammy Award, la Versailles Touch continue sa route vers le succès avec Bankrupt, grand huit pop à la production hollywoodienne où les synthétiseurs prennent le pas sur les guitares, mais pas sur le talent mélodique, comme le prouvent le single Entertainer ou la "franglaise"Drakkar noir. Le petit groupe au chanteur timide de If I Ever Feel Better possède désormais l'artillerie et la confiance pour tenir les plus grandes scènes, comme pendant sa tournée aux États-Unis, où il a paradoxalement plus de succès qu'à la maison. A Lyon il sera grand temps de montrer à Thomas Mars à consorts, entre un Long Distance Call et une Lisztomania, qu'ils sont des stars en extérieur comme à domicile.

A la Halle Tony Garnier, jeudi 14 novembre

 

The Dodos

Au fil des disques il semble que le trio de San Francisco, s'il assume parfaitement ses origines psychélédico-géographiques (les fleurs dans les cheveux, la maison bleue et tout le tintouin), porte toujours aussi mal son nom. Pourquoi porter la marque d'un oiseau disparu, incapable de voler et à la morphologie grotesque quand on est si plein de vie, qu'on s'envole dès les premières notes du premier arpège et qu'on a la grâce d'un oiseau de paradis ? Sans doute est-ce là un moyen de garder les pieds sur terre. Encore que pour leur venue lyonnaise, c'est quasiment dans l'eau que les Dodos auront les pattes. Ou à peine quelques centimètres au-dessus, dans la cale du Sonic, où ils viendront présenter leur déjà quatrième album en cinq ans, Carrier.

Au Sonic, jeudi 14 novembre

 

Chokebore

On les a attendus pendant des siècles (comprendre 6 ans), patientant notamment par la grâce des facéties légèrement répétitives mais toujours bien toquées de leur ressortissant Troy Von Balthazar, les voilà déjà qui reviennent à l'Épicerie Moderne, pratiquement deux ans pile après leur triomphal retour. On ne va sûrement pas s'en plaindre, on parle ici d'un des groupes les plus mythiques du rock indé américain et il le serait même s'il s'était formé il y a à peine cinq ans (depuis sa reformation, Chokebore n'a sorti qu'un EP mais tient la dragée haute à une hypothétique concurrence). La chose s'explique en outre aisément : les Hawaïens sont en pleine tournée anniversaire, celle des 20 ans de leur premier disque, Motionless.

A l'Épicerie Moderne, jeudi 14 novembre.

 

Elyas Khan

Avec sa voix de soufi converti à la soul, son physique de guerrier nomade et sa dégaine de grand couturier, Elyas Khan ne ressemble à personne. A tel point que tous les nominés de notre panorama ovniesque seraient passés pour des messieurs Tout-le-monde si on l'y avait inclus. Sa musique est tout aussi hors-normes : à la tête du collectif Nervous Cabaret, à la périphérie de projets des plus improbables (comme une résidence avec un groupe de néo-trad corrézien) ou en solitaire, ce multi-instrumentiste new-yorkais d'origine indo-pakistanaise brouille depuis bientôt dix ans les frontières entre le rock déglingué de Frank Zappa, le blues sexuel de Captain Beefheart et tout un tas de genres en "p" (pop, punk, pagaille balkanique...).

Au Kao, jeudi 14 novembre

 

Gesaffelstein

Cette année, vous ne trouverez pas dans ces pages d'article dédié aux "soirées électroniques de la rentrée". Parce qu'il y en a tellement qu'il nous faudrait consacrer un numéro entier au sujet. Mais aussi et surtout parce que Gesaffelstein, malgré son nom à vous pousser un orthophoniste au suicide et son look de mannequin Hugo Boss, s'apprête à tout éclipser : Aleph, son très cinématographique premier album, qui fait suite à une série de maxis tous plus brutaux les uns que les autres et paraîtra fin octobre, est un sommet de noirceur et d'imprévisibilité comme la techno d'ici (par moments diluée dans des nappes synthétiques d'une classe à rendre Kavinsky jaloux comme un tigre de moteur) n'en avait jamais gravi.

Au Transbordeur, jeudi 14 novembre

 

The Pharcyde

Comme le cinéma hollywoodien, la littérature tauromachique (si si) ou la peinture néérlandaise, le hip hop américain a eu son âge d'or, autrement dit une période faste en termes de créativité et de succès. Les historiens le situent entre le milieu des années 80 et de la décennie suivante, soit juste avant que la pratique du sampling ne devienne trop encadrée pour être inventive. Un groupe plus qu'aucun autre l'a symbolisée : The Pharcyde, quatuor de Los Angeles dont le premier album, Bizarre Ride II the Pharcyde, fut certifié disque d'or alors qu'il ne ressemblait, avec son urgence jazzy et son ton déconneur, à rien de connu. Un peu plus de vingt ans après cet exploit qu'il ne parvint jamais à renouveler, le groupe revisitera cet automne ce classique indémodable sur la scène du Club Transbo.

Au Club Transbo, vendredi 22 novembre

 

Girls in Hawaii

Les belges de Girls In Hawaii reviennent de loin : le groupe s'était dissout brusquement après la mort, dans un accident de voiture et à tout juste 27 ans, de son batteur, Denis Wieleman. Difficile, à ce titre, quand on entend sur Everest, premier album depuis Plan Your Escape en 2008, des paroles comme «I'm not dead, I'm just doing wrong», de ne pas faire le lien. Everest, comme un sommet à gravir pour surpasser la peur de ne pas retrouver le goût à la musique et son public intacts. Le disque se veut ainsi conquérant et résigné à la fois, affichant une ambition pop toute nouvelle pour ce groupe qui, sortant lentement mais avec une certaine classe du brouillard, est aujourd'hui plus proche d'un Coldplay des premiers albums.

A l'Épicerie Moderne, mercredi 4 décembre

 

Biffy Clyro

Ils ont permis à la pop d'atteindre sa maturité, à la bass music de sortir de la confidentialité, au punk de décomplexer des générations de songwriters ne sachant pas distinguer une clé de fa d'une virgule, les Britanniques sont vraiment les plus forts, blablabla... Certes. Mais de là à accepter sans broncher qu'ils forment les groupes les plus pompiers de la planète – ils ont inventé le rock progressif, rendez-vous compte... Heureusement, il y a Biffy Clyro, un trio écossais qui a toujours su (soit depuis 1995) faire la différence entre culot et maniérisme, démesure et bouffonnerie, puissance et esbroufe, conférant au rock de stade une noblesse inédite. Le 8 décembre, il faudra donc choisir : en prendre plein les yeux ou plein les oreilles.

Au Transbordeur, dimanche 8 décembre


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