Les deux vies de James B. Harris


«Laisse-moi te citer quelques noms : Jack Hanson, Chick Nadell, James B. Harris, Ted Jaffe, Russ Pearce… (…) Tous victimes de cambriolages, tous des hommes mariés trop gênés pour avouer qu'ils ont ramené des radasses à la casa et qu'à cause de ça, ils se sont fait dévaliser…». C'est un passage de Tijuana mon amour, nouvelle de James Ellroy autour d'un collecteur de ragots pour un  journal à scandales nommé L'Indiscret. Pourquoi Ellroy balance-t-il, au milieu de quelques oubliés d'Hollywood, le nom de James B. Harris ? Est-ce parce qu'il n'a pas digéré les libertés prises par le cinéaste avec son Blood on the Moon, qu'il adapta sous le titre de Cop avec James Woods dans le rôle du flic torturé (mais moins que dans le bouquin, c'est vrai) Lloyd Hopkins ?

Si Ellroy prétend que James B. Harris a eu une double vie (privée), on sait en revanche qu'en matière de cinéma, il a eu deux vies : la première en tant que producteur pour Stanley Kubrick sur Ultime Razzia, Les Sentiers de la gloire et Lolita, qui marque le début des années Warner pour le cinéaste et sa suite ininterrompue de chefs-d'œuvre. Kubrick préférera ensuite confier la production à son beau-frère Jan Harlan ; quant à Harris, il tente sa chance derrière la caméra avec The Bedford incident en 1965, film de guerre (froide) avec Richard Widmark.

Il ne tournera ensuite que quatre films, étalés sur une trentaine d'années, tous importants à l'exception du dernier, simple véhicule pour le monoexpressif Wesley Snipes. Le plus mystérieux reste celui que Lumière va exhumer en copie restaurée : Sleeping Beauty, où Harris s'offre une variation autour de La Belle au bois dormant, pour un film onirique à la narration éclatée et aux audaces formelles mal reçues à l'époque. Harris, âgé de 85 ans, sera présent durant tout le festival pour l'hommage — mérité — qui lui sera rendu.

Christophe Chabert


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