So(o)leils trompeurs


Si l'on s'en tient aux leçons dispensées par la vénérable - bien que très maquillée - Armande Altaï – ses «bah-beuh-bih-buh», ses «Kiki la cocotte voulait un caraco kaki avec un col en caracul» et autres techniques de respiration par l'anus – Ben Shemie, vocaliste de Suuns, est, techniquement parlant, l'un des pires chanteurs de la Création, tant il donne l'impression de psalmodier alors même qu'on vient soit de lui souder les mâchoires, soit de lui anesthésier la langue.

Or cela traduit bien les deux facettes développées par le groupe montréalais sur son dernier album, Images du futur qui, au regard de l'hiver nucléaire développé par le précédent et comme le symbolise le titre Holocene City, témoigne d'une forme de réchauffement climatique : certes il débute par un bel exercice de rage froide et rentrée (Power of Ten), mais la suite, genre de psychédélisme kraut frappé d'électronite aiguë, rappelle ces types qui prennent des calmants pour atténuer les effets d'une descente d'amphét'. Avec bien sûr, à l'occasion, entre deux sursauts (Bambi, 2020, où les mâchoires se resserrent à nouveau), le surgissement de cette grâce fugace propre à l'entre-deux psychotropique, quand on croit toucher du doigt le nirvana avant de basculer du mauvais côté (Mirror, Mirror).

A l'image de cet instant magique et indéterminé où un voile de réminiscences lumineuses prolonge le coucher du soleil avant de laisser place à la nuit noire. Si Suuns comporte deux "u" dans son nom, c'est sans doute pour étirer ce moment, que les photographes appellent «l'heure dorée».

Stéphane Duchêne

Suuns [+ Spitzer + Holy Strays]
A l'Epicerie Moderne, lundi 4 novembre


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Piège de Crystal