Sens interdits 2013, jour 4 : «avec humanité et chœur»

"Chœur de femmes" de Marta Górnicka. "Je suis" de Tatiana Frolova.


Il est facile de parodier cette petit phrase perfide et cynique que Jean-Louis Debré, alors ministre de l'Intérieur, avait prononcée lors de l'évacuation musclée de trois-cents sans-papiers de l'église Saint-Bernard en 1996, mais elle résume bien notre quatrième journée passée à Sens interdits, le cœur s'y étant allègrément confondu avec le chœur des Polonaises. Nous les avions ratées lors de leur passage dans ce même festival en 2011, et ce n'est pas en voyant Chœur de femmes que notre curiosité fut rassasiée. Car aussitôt conquis, la frustration de manquer les deux autres volets (Magnificat et Requiemachine) a fait son apparition (on ne pas être partout…).

C'est que ces femmes de tous âges, toutes tailles et toutes corpulences, sont épatantes. Impeccablement dirigées, autant vocalement que dans l'espace du plateau, par Marta Górnicka, elles disent rien moins qu'elles existent, que la vaisselle ne leur est pas exclusivement réservée, que Lara Croft, c'est elles aussi. Elles le martèlent avec conviction mais aussi avec humour, elles le chantent collectivement, et parfois individuellement, une tessiture très aigue ou extrêmement rauque s'échappant alors de la masse. Elles savent que le pouvoir du monde est entre leurs mains. Elles ne le lâcheront pas. Gare à celles, et surtout à ceux, qui ne l'auraient pas compris !

De manière totalement différente, la Russe Tatiana Frolova remet l'individu au centre du jeu et lui rend sa vérité avec Je suis, une locution simple et si difficile à tenir dans sa Russie où le pouvoir, hier communiste et aujourd'hui ultra-libéral, décide pour chacun et nie tout le monde. Compte-rendu critique dans le Petit Bulletin à paraitre mercredi, cette pièce se jouant encore après le festival aux Célestins, jusqu'au 9 novembre.


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