La lo-fi philosophie de Jackson Scott


Sorti de nulle part – Asheville, à un jet de pierre du trou du cul de la Caroline du Nord –, Jackson Scott, sosie slacker et poupin du punk Richard Hell, semble enregistrer sa musique comme un adolescent ne rangerait pas sa chambre, où il s'est d'ailleurs enfermé. La tête renversée sur le lit, à refaire le monde, à s'en écrire un nouveau tant qu'à faire, rempli de bizarreries, de dissonances et de moutons à cinq pattes claudiquant sur 4-pistes.

Ce qu'on entend sur Melbourne, le voyage immobile proposé par Scott, c'est ce psychédélisme domestique et aliénant entrevu chez Syd Barrett le temps de deux albums : ici shooté à l'hélium, découpé au hachoir et recollé avec ce qu'il reste de glue non sniffée, ambiancé à coups de drones bricolos et de boîtes à bidouille à ampérage lo-fi.

Mais quand Barrett s'est mentalement et physiquement dissout dans le renfermé de sa chambre de fou, Jackson Scott s'est lui positivement construit sur un syndrome de Diogène mal soigné – cette propension à faire table rase de l'indie rock sans rien jeter et à en faire un écosystème après en avoir terraformé le bordel référentiel.

Il y a du Pavement dans cette neurasthénie joyeuse et lasse qui s'acharne sur les guitares comme on bloque sur un joint, du Beck dans cette manière de zapper, de changer d'humeur, y compris en plein milieu d'un morceau. De bâtir sur le socle de chansons mal branlées un chez soi dont on n'aurait sous aucun prétexte envie de sortir. Pour la simple raison qu'on en a fait un labyrinthe.

Stéphane Duchêne

Jackson Scott
Au Sonic, lundi 25 novembre


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