Craig Johnson, lonesome cowboy

Auteur chapeauté et de plus en plus culte de la série de romans mettant en scène le shériff Walt Longmire, Craig Johnson s'exile quelques jours de son erratique Wyoming pour une résidence lyonnaise au Musée d'Art Contemporain, ponctuée de quelques rencontres en librairie. Stéphane Duchêne


Il n'y a pas à aller chercher bien loin pour déterminer ce qui a inspiré Craig Johnson au moment de tirer le portrait de son flic anti-héroïque Walt Longmire. Le shériff du comté (fictif) d'Absaroka lui ressemble en effet beaucoup : même chapeau vissé sur la tête, même âge, même empathie naturelle pour l'environnement, même philosophie de vie, même détermination lasse – Johnson a exercé mille métiers avant d'oser prendre la plume. Et surtout même localisation, ce Wyoming désert, étendu à perte de vue mais adossé aux Bighorns Mountains, vaste zone tampon entre les plaines du Midwest et l'Ouest, le vrai, mais aussi entre blancs et native americans.

C'est ce contexte même qui constitue la chair des romans de Johnson et des aventures de son héros récurrent – adaptées en série par la chaîne A&E, diffusée sur D8 à partir du 30 novembre. Un Longmire dont l'auteur, fou de littérature française, avoue avoir emprunté quelques traits de caractère à l'Athos de Dumas, ce mousquetaire du milieu, et au Jean Valjean d'Hugo, figure de l'homme libre au grand cœur qui cache mille blessures.

Culpabilité

Tous ces entre-deux irrésolus et insolubles, Longmire lui-même les incarne : entre deux âges – un conflit de génération permanent avec ses adjoints et sa fille avocate, Cady –, entre deux Amériques – un aller-retour permanent entre le Wyoming et Philadelphie où vit Cady – mais aussi entre deux mondes pourtant localisés au même endroit, puisque Longmire se fait "médiateur" entre société "blanche" et réserves Crow et Cheyenne rendues à leurs propres lois, à leur propre police et bien évidemment à la discrimination.

Behavioriste, Johnson, par l'intermédiaire de Longmire, s'efforce toujours de voir au-delà des apparences, à rebours du cliché à ciel ouvert qu'est géographiquement, démographiquement et sociologiquement le Wyoming. Car dans ces romans comme dans cet Etat sauvage, la lumière, le temps et la météo sont changeants – une tempête peut vous tomber sur le coin de la figure en cinq minutes –, les masques jamais très bien fixés, les apparences fugacement trompeuses.

Figure complexe, Longmire incarne l'Amérique blanche dans ce qu'elle a d'archétypale – figure intemporelle du shériff à l'ancienne, vétéran du Vietnam – tout en se coltinant le poids de la culpabilité non formulée et, à vrai dire, tabou, de l'homme blanc, qui est aussi l'un des moteurs de son créateur.


Craig Johnson

En résidence au MAC, du samedi 23 novembre au lundi 2 décembre
Au Bal des Ardents, mardi 26 novembre
A l'Esprit Livre, mercredi 27 novembre


<< article précédent
Pendentif, petit bijou