V pour Veduta


De son intitulé à sa programmation, Veduta, sorte de off du off de la Biennale d'Art Contemporain, est un événement assez obscur. Toujours est-il que cette semaine il investit le Pathé Carré-de-Soie à Vaulx-en-Velin pour offrir une programmation pour le moins bigarrée, mais assez stimulante, de films illustrant les «nouvelles formes de récits visuels». Ce qui n'est pas absurde concernant Mulholland drive de David Lynch et Elephant de Gus Van Sant.

Mulholland drive, avec sa structure rêve/réalité, le premier raconté linéairement, la deuxième dans un éparpillement de fragments non chronologiques, est effectivement une des expérimentations narratives les plus impressionnantes et innovantes des années 2000. Quant à Elephant, il s'inspire de la tuerie de Columbine, mais en propose une vision kaléidoscopique où chacun des protagonistes évolue dans un espace-temps qui lui est propre et qui paraît autonome, mais que la narration en forme de disque rayé rassemble dans une même simultanéité.

Marjane Satrapi, elle, choisit d'évoquer le passé de son pays à travers son propre passé d'Iranienne ayant quitté racines et famille au moment de la Révolution pour venir vivre à Paris. Persepolis invente ainsi l'autobiographie animée, c'est-à-dire un passionnant mélange de vérité et d'imaginaire.

Moins innovant, Coffee and cigarettes de Jim Jarmusch s'inscrit au contraire dans une longue descendance de films à sketchs, celui-ci ayant la particularité d'avoir été tourné sur plusieurs années au fil de l'inspiration jarmuschienne, avec comme seule unité celle du lieu, des cafés aux quatre coins du monde où bavassent en noir et blanc une faune de comédiens et de musiciens mythiques, parfois dans leurs propres rôles. La rencontre entre Tom Waits et Iggy Pop ou celle, inattendue, entre Bill Murray et les rappeurs du Wu-Tang, ont en tout cas le parfum de ces mythologies de poche que Jarmusch sait si bien écrire — ce qu'on vérifiera encore en février avec son nouveau et formidable Only lovers left alive.

Christophe Chabert

La Biennale fait son cinéma
Au Pathé Carré-de-Soie, du mercredi 20 au mardi 26 novembre


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