Ciel de traîne


Elle est face à nous, les pieds dans le sable, sa bicoque en bois juste derrière elle. Il fait chaud et elle ne nage pas dans l'opulence. Le ciel dans la peau est tout ce qui lui reste. Cette jeune femme raconte sa douleur, ce qui est entré dans ses entrailles, avec une voix qui lui demandait à répétition si ça mouillait. Son maquillage fiche le camp, son visage se déforme quand elle se remémore son viol, cette négation d'elle-même, sa mise à mort. Odille Lauria parfaite, poignante, ne nous laisse pas une minute pour entrer dans le spectacle ; déjà nous sommes avec elle et Edgar Chias, ce jeune auteur et dramaturge mexicain dont elle restitue les mots tranchants.

Puis elle retrouve le sourire et nous embarque avant le drame, quand elle lisait les Mille et une nuits dans le bus. Avec un pupitre comme béquille, elle devient conteuse plus que comédienne, nous cite des extraits du texte, endosse tous les rôles et pose une distance avec ce qui précède. L'intensité du début est cassée. Elle prend une grosse voix, chausse des lunettes pour être temporairement un homme. Le texte de Chias ne l'aide guère à rester en prise directe avec les spectateurs, lui faisant employer des «tu» et des «il» au détriment du «je». Le travail de la metteur en scène, la jeune Anaïs Cintas, de la compagnie villeurbannaise Les Montures du temps, suit ces ruptures de ton jusqu'à en imposer une elle-même : distribuer des bières dans la salle, faire danser sa comédienne sur des airs latino au prétexte que nous sommes en Amérique du Sud.

Après tout pourquoi pas ? Mais le spectacle, à ce moment-là comme à d'autres, ne choisit pas vraiment sa teinte. L'ambitieux et très beau décor de Seymour Laval (collaborateur régulier d'Emmanuel Meirieu, notamment) est sous-utilisé, les longs passages récitatifs installent des flottements dans une pièce pourtant forte, dont l'intensité s'effiloche sous nos yeux.

Nadja Pobel

Le Ciel dans la peau
Aux Ateliers, jusqu'au samedi 23 novembre


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