L'electronic renaissance de Braids

Passé de quatuor à trio et pas loin de la correctionnelle, les Canadiens de Braids ont surgelé les velléités d'"Animal collectivisation" entrevues sur leur premier album au profit d'une électro pop rêveuse marquant les pas d'une renaissance. Stéphane Duchêne


Au commencement était un "Scooby gang" formé à Calgary et délocalisé à Montréal, capitale du Nouveau Monde musical pour ainsi dire : deux gars, deux filles (bon, pas de chien, certes) et une infinité de possibilités. Un quatuor de nerds suffisamment dessalés pour aller dézoner sur la lande cartographiée il y a un moment par Animal Collective (arpèges ethniques sur drones planeurs, zigouigouis électro-aquatiques, rythmiques en derviche, braillements lointains, fondus post-rock), s'en autoproclamant même Native Speaker (locuteur natif) comme on dirait native americans.

C'était il y a trois ans, et quand on a à peine vingt ans et des crottes d'œil comme les membres de Braids, ça fait un bon siècle. Soit suffisamment de temps pour se défaire. Car dans l'intervalle, la chanteuse Raphaelle Standell-Preston a sombré dans une dépression des plus sévères, de celles qui vous collent à l'oreiller et transforment votre couette en couvercle de cercueil. Une fois remise, elle a gentiment invité la claviériste Katie Lee à faire ses valises. Et… ce sont les guitares qui ont disparu.

Décoloration

Car avec Lee s'en est allée une certaine idée de l'esthétique du groupe, recentrée, sur le deuxième album Flourish//Perish, autour d'une électro-pop pan-islandaise (Mùm, Björk) et Warp-friendly mais surtout d'une fusion de genres avec un autre projet mené en parallèle par Standell-Preston : Blue Hawaii. Si la décoloration à l'oeuvre d'une pochette à l'autre pourrait nous inciter à conclure que Braids s'est considérablement raidi, figé, refroidi (plus trop question de danser ici, quand sur Lemonade on pouvait faire subir les derniers outrages à sa colonne vertébrale).

Surtout il y a dans ce Flourish//Perish une manière de renaissance : on y entend un groupe éclore sous la glace et pousser lentement comme nourri de ces beats électro qui figurent une fois encore – c'est la seule constante – autant de gouttes d'eau. Il s'agirait donc d'inverser la fatalité du cycle naturel : fleurir et périr. On dirait de Braids qu'il est arrivé à ce prodige consistant à renaître sans être auparavant tout à fait mort. N'était un final – In Kind, l'histoire d'une fille en quête d'identité – qui ramène, y compris musicalement, le nouveau-(re-)né à l'endroit même où Native Speaker l'avait laissé et dont on ne sait s'il confirme cette intuition, l'annule totalement ou s'inscrit dans la boucle (électro-)pop de l'éternel retour.

 

Braids
Au Sonic, mercredi 27 novembre


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