L'Escale


Étouffant. C'est le meilleur qualificatif pour définir ce documentaire-choc de Kaveh Bakhtiari, immigré iranien ayant obtenu la nationalité suisse, qui va retrouver un de ses cousins, à son tour tenté par l'exil en Europe mais qui se retrouve coincé avec d'autres migrants dans une «pension» d'Athènes en attendant de rejoindre un autre pays d'accueil. Bakhtiari s'enferme avec eux dans cet appartement en sous-sol dont les rideaux sont toujours tirés, et ne les accompagne que lors d'une sortie forcément risquée — on n'a jamais autant senti le quotidien du clandestin, qui doit tout faire pour ne pas se faire remarquer, ce qui est évidemment absurde — puis lors de leurs départs successifs après des mois de claustration.

Dans la première heure, cette communauté de fortune est regardée sans misérabilisme même si, à travers tel récit d'une traversée à deux doigts d'être tragique ou tels petits conflits du quotidien liés à cette promiscuité forcée, on envisage tout le désespoir de ces êtres pris entre deux feux : la réalité sans issue qu'ils ont quittée et celle, à peine plus enviable, dans laquelle ils se retrouvent.

Le film souffre d'inévitables redites, mais sa dernière partie, particulièrement rude — la grève de la faim d'un des migrants qui a choisi de se coudre les lèvres pour protester contre son sort — prend véritablement aux tripes. Quant à l'ironie tragique qui a motivé l'existence même de L'Escale — qu'on ne racontera pas — elle oblige le spectateur à réfléchir hors de ses schémas idéologiques pour comprendre que certains individus ne seront tout simplement jamais en sécurité nulle part. Et, de fait, ressentir ce que leur vie a d'étouffant…

Christophe Chabert

L'Escale
De Kaveh Bakhtiari (Suisse-fr, 1h40) documentaire


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