Agassi, aussi

C'est une toute petite chose que cet "André", mais une magnifique petite chose. Marie Rémond a beau ne pas être aussi musclée que son protagoniste fétiche, elle et ses deux acolytes campent avec régal le grand tennisman André Agassi et son drôle d'entourage. Nadja Pobel


«Reprise… Silence s'il vous plait, les joueurs sont prêts». Cette litanie entamée sur tous les courts du monde n'a pas lieu d'être sur les planches. D'emblée, Marie Rémond capte son auditoire. Affublée d'une perruque bien fournie, ses faux cheveux en bataille retenus par un bandeau de mousse, elle fait irruption, en short, et décline son identité : «meilleur retourneur du monde, chouchou du public». Elle est André Agassi. Elle/il n'aime pas le tennis. Et c'est diablement intriguant.

Avec Clément Bresson et Sébastien Pouderoux (désormais à la Comédie Française), ses camarades de l'école de théâtre du TNS à Strasbourg, Marie Rémond a voulu raconter la vie de cet immense champion dont l'image a été en constant décalage avec son ressenti, comme il le raconte dans son autobiographie, Open, sur laquelle tombe un jour par hasard la metteur en scène et comédienne. Agassi y explique que, poussé par son père, il a tapé la balle très tôt pour atteindre le haut niveau que celui-ci a raté de peu en boxe, avant d'aller progresser dans la team de Nick Bollittieri, considérée comme un véritable camp d'entrainement de GI du tennis. Il a aussi épousé une femme qu'il n'aimait pas, Brooke Shields, au point que son agent, pour mieux écrire la légende et vendre la love story aux journaux people, rédigeait ses déclarations d'amour à sa place. Il se trouve que le champion vivra plus tard (et vit encore) avec Steffi Graf une histoire plus authentique et plus glamour encore que celles imaginées.

Lifté

Ce qui intéresse Marie Rémond, ce sont les petits arrangements (souvent drôles) du champion, qui louvoie comme il peut entre coach et conseiller, père et amante, ment sur les cheveux qu'il n'a jamais eus et tremble à l'idée que son postiche se décolle en cours de match. Répété dans la cuisine de Marie Rémond, ce spectacle, dont les seuls accessoires sont d'ailleurs une table et des chaises, a d'emblée été un franc succès, à Vidy-Lausanne où il fut créé en octobre 2011 puis au Off d'Avignon 2012 et au Rond Point à Paris. Bien qu'il ait été accueilli à bras ouverts par de hauts lieux de l'art vivant, attention à ne pas demander à ce spectacle d'être ce qu'il n'est pas : un sommet du théâtre. C'est une pièce légère, travaillée, courte (1h15), tendre, qui occulte bien des aspects de la vie d'Agassi et laissera les fans de tennis un peu sur leur faim (même s'il ne s'agit pas de dresser une hagiographie complète de ce sportif qui a fait date). Mais c'est aussi un petit bijou, jamais prétentieux et absolument divertissant. Aussi beau qu'un coup droit gagnant long de ligne. C'est dire.

André
A la Mouche, Saint-Genis-Laval vendredi 29 novembre
Au Radiant-Bellevue, Caluire, mardi 3 et mercredi 4 décembre


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