La lutte des classifications


Depuis Kurt Schwitters et le Dadaïsme (au moins), nombre d'artistes ont travaillé au collage d'images de natures différentes, à l'assemblage d'éléments épars... Bref à la déconstruction de nos représentations "normales" et à leur reconstruction "subversive". Le jeune Tunisien Nidhal Chamekh (né en 1985) en est ostensiblement l'un des héritiers contemporains.
 

A la Galerie Regard Sud, il expose par exemple de nombreux dessins (dont toute une série inspirée par la Révolution tunisienne) frappant par leur puissance graphique et leur aspect "impur". Entre autres aspects, on remarque immédiatement la conjonction incongrue de schémas d'obédience scientifique et de représentations plus humaines (portraits, mouvements de vie, visions de souffrance...). L'existence en fragments percute ou s'entremêle à la planche d'anatomie, au manuel technique, à la grille d'évaluation, aux surfaces désaffectées des écrans, Nidhal Chamekh y ajoutant des arabesques décoratives, des sérigraphies d'images de presse ou de petits logos emblématiques.
 

Ses œuvres allient ainsi un regard clinique (disséquer, ouvrir les images et le fonctionnement du monde contemporain comme le chirurgien ouvre des corps) et un regard artistique plus anarchique. La force de son travail consiste à mettre sous tension l'emprise des machines sociales et des technologies froides sur les corps et les psychés, à faire surgir par éclats et soubresauts ce que le discours de la raison (scientifique, politique) cache, étouffe, classifie, lisse quotidiennement. La lutte des classes devient ici une lutte des cases, une lutte contre les classements, contre la violence d'une soit disant neutralité objective.


Jean-Emmanuel Denave


Nidhal Chamekh
A la galerie Regard Sud, jusqu'au samedi 21 décembre


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