Sartre, c'est les autres


Pas besoin de décor. Même les plus grands, comme Claude Régy ou Bob Wilson, se contentaient d'un espace vide. Des cubes feront office de canapé. Sven Narbonne, jeune metteur en scène d'une toute jeune compagnie, La Onzième, au-delà d'un jeu d'ombres bien mené, ne s'encombre pas d'artifice pour son Huis clos. Bonne idée. Les déplacements qui auraient pu faire de la pièce une vaste gesticulation sont même assez maîtrisés et ramassés. Restait à trouver un ton. Robert Hossein avait alourdi la pièce en la cuisinant à la sauce boulevard. Narbonne opte lui pour une ambiance plus neutre et de fait plus dure.

Car si Sartre avait cru écrire une comédie, il n'en est rien. Les uns après les autres, les personnages du journaliste Garcin, de l'employée des postes Inès et de la mondaine Estelle entrent dans une antichambre de la mort accompagnés par un quasi mutique garçon d'étage (ici une femme, sans que le parti pris de mise en scène en soit vraiment changé). C'est alors aux comédiens de composer, tout repose sur eux. Dans un rôle difficile, Aurélie Chamfroy (Inès) emporte le morceau, parvenant à laisser une trace de son personnage plus par son incarnation que par les paroles qu'elle prononce - les deux autres, Guillaume Col et Clémentine Wert, campent des personnages pas moins retors (Garcin a torturé sa femme, Estelle a jeté le bébé qu'elle a eu avec son amant pour ne pas nuire à son rang), mais moins dérangés en apparence. Devant souvent jouer le malaise ou la colère rentrée, c'est son corps légèrement contorsionné et son regard, constamment noir, qui dessinent son rôle de manière forte et mémorable

 

Nadja Pobel

Huis clos
A l'Espace 44, jusqu'au dimanche 22 décembre.


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