Une femme libre


Qu'est-ce qui fait la singularité d'À la recherche de Mister Goodbar ? La réponse la plus évidente tient à la carrière de son réalisateur Richard Brooks, dont c'est le dernier film. Brooks, au sein des studios, a touché à de nombreux genres, du film noir au western et, en cette année 1977, plutôt que de marquer ses distances avec le Nouvel Hollywood, il en épouse sans volontarisme les principes.

La jeunesse, la libération des mœurs, la mode disco forment la toile de fond du film, qui adopte aussi une étonnante liberté formelle avec ses flashbacks hallucinés et son montage tout en ruptures sèches. Mais c'est surtout ce que raconte À la recherche de Mister Goodbar qui en fait une œuvre vraiment à part : Theresa (Diane Keaton), jeune étudiante issue d'une famille catholique et rigoriste, va sortir de son cocon en nouant d'abord une relation avec son professeur de fac, marié et névrosé, puis avec des rencontres fortuites dans des bars — dont un Richard Gere explosif et inattendu, découvrant au passage le plaisir de la fête, de l'alcool et de la drogue.

Brooks fait de la sexualité féminine le sujet exclusif de son film ce qui, dans un cinéma américain encore très masculin malgré son envie d'explorer les marges, est vraiment audacieux. Et s'il montre aussi la résistance du patriarcat et du puritanisme face à l'indépendance manifestée par son héroïne, il refuse obstinément de prendre ses distances avec elle. La fin, particulièrement tragique et désespérée, n'est pas un retour de bâton moral, mais bien le signe d'un combat jamais gagné pour l'émancipation. En cela, si À la recherche de Mister Goodbar a vieilli, c'est dans le meilleur sens du terme : comme la boussole d'une époque qui interrogerait la nôtre sur ses avancées et ses reculs — figuratifs comme moraux.

Christophe Chabert

À la recherche de Mister Goodbar
De Richard Brooks (1977, ÉU, 2h16) avec Diane Keaton, Richard Gere, Tom Berenger…
Au Cinéma Lumière, du 4 au 7 décembre


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