Pacôme Thiellement, yogi pop

Essayiste érudit et volubile, Pacôme Thiellement propose une approche sacrée et exégétique de la culture pop et de ses totems, nourrie par les lectures mystiques. Une démarche tout entière contenue dans le recueil d'articles "Pop Yoga". Stéphane Duchêne.


S'il fallait un livre pour entrer dans l'univers de Pacôme Thiellement, auteur d'ouvrages sur Nerval, Lost, David Lynch, Led Zeppelin, Zappa, les Beatles, Pop Yoga serait sans doute celui-ci. Riche de 42 articles, l'ouvrage documente au mieux la cohérence de l'approche analytique des marottes précitées – et de bien d'autres : théologie et théophanie (apparition ou révélation d'une divinité ou d'un caractère divin), démonologie, gnose (à la fois doctrine promettant à ses adeptes la connaissance de Dieu par une révélation intérieure et connaissance ésotérique parfaite et initiatique contenant tous les savoirs sacrés).

«Une méthode pour accéder à l'union par l'étude active des œuvres de la pop culture», voilà en quoi consiste le «Pop Yoga» de Pacôme Thiellement, soucieux de rendre à la culture de masse sa dimension mythologique, les mouvements, les transcendances et les liens invisibles qui la traversent. Pour l'auteur, le «Pop Yoga» est un « ta'wil » : l'acte, tel que défini dans la religion musulmane, de «ramener une parole vers le résultat qu'on veut lui donner en expliquant son sens ou en déterminant ses effets».

Monde miroir

Non pas une critique culturelle mais une une forme d'exégèse donc, «analyse interprétative des textes sacrés» plaçant l'objet pop sur un plan sacré, et identifiant la figure pop (héros de fiction ou pop star) comme un archétype sacrificiel, un Christ, creuset des passions et angoisses du public et vecteur de leur exorcisme – à propos d'Elvis : «un héros dont nous avons fait un monstre» ; dans un splendide article-pivot sur le basculement de la figure de la pop star, «L'Homme que la terre vendit», cette affirmation que nous avons tué Cobain parce que nous l'avons investi de notre incapacité à vivre.

Car, «la culture pop est la construction d'un miroir à la civilisation : un monde miroir où ce qui est absurde et insignifiant dans l'existence se transforme en non-sens consolateur, en non-sens bénéfique. Mais c'est aussi la tentative de faire émerger ce monde miroir depuis notre monde, (...) de transformer notre quotidien pour qu'il dégage à son tour cette qualité consolatrice et bénéfique». Une échappatoire, seule capable, si l'on en croit Pacôme Thiellement, de nous aider à supporter le monde et surtout la solitude, «identité ultime de l'homme» à laquelle il nous condamne.

Pacôme Thiellement
Au Bal des Ardents, jeudi 12 décembre


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