Jibé : il va faire du bruit

Candidat malheureux du dernier tremplin de l'Espace Gerson, le Stéphanois Jibé fait son retour dans la défricheuse salle du cinquième en tant qu'ultime tête d'affiche de l'an 2013. Une ascension légitime pour cet as du bruitage à la bonhomie contagieuse. Benjamin Mialot


L'alouate est un primate qui ne paye pas de mine. Il ne mesure jamais plus de 70 cm queue comprise, pèse une quinzaine de kilos tout mouillé, se nourrit exclusivement de fruits et de plantes... Quand il ouvre la bouche, c'est une toute autre affaire : son cri, sorte de râle d'agonie porcin filtré par un vieux mégaphone, est audible à plus de trois kilomètres à la ronde, faisant de lui l'un des animaux les plus bruyants du monde.

Jean-Baptise Mazoyer est vraisemblablement un cousin évolué de l'alouate. Sur le papier, rien ne laisse en effet supposer que ce jeune Stéphanois est l'un des humoristes les plus prometteurs de sa génération. Ni son nom de scène, qui fleure plus l'humour de vestiaire qu'autre chose, ni son signe caractéristique. Car Jibé est bruiteur. C'est en tout cas ainsi qu'il s'annonce, ponctuant la présentation d'un «voilà» qui en dit long sur le désarroi qu'il inspire de prime abord. Quand il fait vibrer ses cordes vocales, c'est une tout autre histoire : le plateau devient un écran de cinéma IMAX et ses considérations sur le quotidien se révèlent d'une drôlerie assez inouïe (dans tous les sens du terme). Si bien que depuis deux ans qu'il écume les tremplins, il décroche prix sur prix – sauf au dernier festival de l'Espace Gerson où, malgré nos efforts, lui a été préféré le tout aussi prometteur Jefferey Jordan.

Cartoon plein

Il faut dire que Jibé n'est pas le premier imitateur venu, quand bien même il avoue avoir débuté par l'apprentissage d'accents. Né dans une famille d'acteurs et fasciné dès sa plus tendre enfance par la scène, «cet univers magique où l'on peut construire un château fort avec une table et une poubelle», il a auparavant écumé les café-théâtres et les collectifs d'improvisation pendant une petite dizaine d'années. Assez longtemps, en somme, pour percuter que l'efficacité d'une vanne est non seulement affaire d'écriture, mais aussi de rythme et de connivence, bref d'immersion.

De fait, quand Jibé produit le son d'une rame de métro, d'une colonne vertébrale qui se rompt ou d'un clébard aux abois, avec à chaque fois un tel réalisme qu'on se demande si son régisseur ne surfe pas en direct sur une base de bruitages libres de droits, c'est avant tout pour préparer le terrain. Littéralement. Pour, comme il le dit lui-même, «donner une crédibilité» aux banales situations qu'il va dynamiter de sa voix azimutée de personnage de Tex Avery et de son sourire de bon pote adepte des canulars téléphoniques (l'un des passages les plus marquants de son Jibé Show implique un téléconseiller en vitrerie), qualité qui achève de nous le rendre aussi sympathique que le Sergent Larvell Jones, le karatéka-bruiteur de Police Academy.


Le Jibé Show contre attaque

A l'Espace Gerson, mardi 31 décembre


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