Des contes d'auteurs

Ce n'est pas une surprise, mais cela n'enlève rien à la vision des "Contes d'Hoffmann" : Laurent Pelly est un metteur en scène de génie. Créé en 2005, cet opéra est de nouveau présenté avant les fêtes. Un cadeau XXL accessible dès 5€. Nadja Pobel


On ne compte plus les Offenbach montés par Laurent Pelly, ni même d'ailleurs les pièces, théâtre et opéra confondus, portés à la scène par ce Parisien qui aura laissé une forte empreinte au Centre Dramatique de Grenoble (où il fut associé puis directeur de 1994 à 2007) et officie désormais au TNT de Toulouse, qu'il dirige depuis 2008 avec son éternelle acolyte, la dramaturge Agathe Mélinand.

En 1997, il n'a que 35 ans quand il se lance dans l'art lyrique avec Orphée aux Enfers. Un coup d'essai immédiatement transformé en coup de maître. Le metteur en scène a trouvé en Offenbach (dont il a monté huit pièces depuis !) la matière pour exprimer tout ce qui l'anime : une histoire solide en forme de millefeuille, au service de laquelle il peut créer des décors fourmillant d'idées et des costumes à la mesure de l'excellence de ses interprètes. Bref, du grand spectacle intelligent. L'opéra lui offre les moyens de son talent et Pelly le lui rend bien, donnant à cet art bourgeois une vitalité rare. En re-proposant Les Contes d'Hoffmann à deux mois d'une création mondiale dans ces mêmes murs de l'Opéra de Lyon (Le Conte Ory de Rossini en février), il montre qu'il sait aussi faire preuve d'un certain ascétisme quand le texte le nécessite.

Le Bel Hoffmann

Dans une taverne allemande, au milieu d'une foule réclamant de la bière et du vin, Hoffmann raconte sa vie sentimentale : un fiasco. De n'avoir pas su ou pu être heureux avec Olympia, Antonia et Giulietta, il négligera celle qui les englobe toutes, Stella. Ces trois actes, écrits comme autant de contes fantastiques et traversés par une figure diabolique extraordinairement interprétée par le baryton-basse Laurent Alvaro, sont somptueusement mis en espace. Pelly utilise autant la profondeur que l'ouverture de scène et sa verticalité. Son chef lumière, lui, dans une atmosphère tout en clairs-obscurs, trace des lignes dignes des plus grands films expressionnistes germaniques, accentuant l'aspect inéluctable du destin d'Hoffmann. Même les musiciens, dirigés par Kazushi Ono ou Philippe Forget selon les soirs, ne semblent imposer leur rythme au metteur en scène, tant leur travail sur cette partition autant fantaisiste que dramatique est d'une parfaite harmonie, dans laquelle se glisse le chœur à la fois ample et limpide d'Alan Woodbridge. Bref, voilà de l'art total comme on n'en voit peu, dans lequel chacun des créateurs trouve sa place. Le public aussi, automatiquement.

Les Contes d'Hoffmann
A l'Opéra de Lyon, jusqu'au lundi 30 décembre


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