Tel père, tel fils

De l'argument, popularisé par Étienne Chatiliez, de l'échange d'enfants entre deux familles opposées socialement, Hirokazu Kore-eda tire une comédie douce-amère où il revisite son thème de prédilection : la transmission entre les générations. Qui ne souffre que d'une demi-heure en trop… Christophe Chabert


Un enfant, dans les yeux d'un père, cela peut être aussi bien la correction de tout ce que l'on a raté dans sa vie, ou une extension joyeuse de ses propres valeurs. Quoiqu'il arrive, c'est une affaire de transmission, simple ou tortueuse… Voilà en substance ce que raconte Hirokazu Kore-eda, cinéaste de l'enfance et de la famille, au cœur de tous ses deniers films, de Nobody knows à I wish.

Avec Tel père, tel fils, il part d'un quiproquo qui, il y a vingt-cinq ans, avait fait la fortune d'Étienne Chatiliez dans La Vie est un long fleuve tranquille : un échange d'enfants malencontreux à la maternité, que l'administration hospitalière décide de corriger dix ans plus tard, mais qui conduit le fils unique d'une famille de parvenus rigides et glacés à aller vivre dans une famille populaire, nombreuse et peu regardante sur les convenances, et inversement. Sauf que chez Kore-eda, cet argument ne débouche pas sur une satire sociale renvoyant dos-à-dos les riches et les pauvres dans un même sac de clichés, mais sur une approche respectueuse des deux bords, sans généralités hâtives mais avec un sens, habituel chez lui, de l'empathie.

La famille est une longue rivière intranquille

Si, du côté des bourgeois, le père est démuni face à cette situation qui vient remettre en question ses idées les plus arrêtées en matière d'éducation — une discipline stricte où les désirs de l'enfant sont annexés par les désirs de l'adulte —, du côté des prolos, l'affaire se passe en souplesse, l'événement étant dissout dans une conception libre et insouciante de la famille, où c'est avant tout le plaisir de vivre ensemble qui prime.

À l'image de cette caméra caressante et toujours en mouvement qui tourne sans heurt autour des personnages, Kore-eda trousse avec un tact constant cette comédie douce-amère qui coule comme l'eau d'une rivière, comme celle où, acmé du récit, les deux familles finissent par se retrouver dans une harmonie qui n'est même plus utopique, les valeurs de l'une ayant infusé dans les valeurs de l'autre.

Le film aurait pu s'arrêter là, il était magnifique. Mais Kore-eda est un scénariste trop consciencieux, qui a ce besoin compulsif d'épuiser tous les fils de son récit avant de le clore. D'où une dernière demi-heure qui relance inutilement le récit, qui plus est pour parvenir à peu près au même point final. Sans elle, Tel père, tel fils n'était pas loin d'être parfait…

Tel père, tel fils
D'Hirokazu Kore-eda (Jap, 2h) avec Masaharu Fukuyama, Machiko Ono…
Sortie le 25 décembre


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