2014 : autant en emporte le Vent…

Après une année 2013 orgiaque, 2014 s'annonce à son tour riche en grands auteurs, du maître Miyazaki à une nouvelle aventure excitante de Wes Anderson en passant par les vampires hipsters croqués par Jarmusch et les flics tarés de Quentin Dupieux. Christophe Chabert


Le Vent se lève, il faut tenter de vivre… disait le titre intégral du dernier film d'Hayao Miyazaki qui, après 25 ans au service de l'animation japonaise, a décidé de tirer sa révérence avec cette œuvre effectivement testamentaire. Réduite au seul Vent se lève pour sa sortie le 22 janvier, cette fresque narre les années d'apprentissage d'un ingénieur féru d'aviation, passion qui l'aveuglera sur la réalité de la guerre dans laquelle le Japon s'engage, mais aussi sur l'amour que lui porte une jeune fille qu'il a sauvée lors d'un spectaculaire tremblement de terre. En assumant la part la plus adulte de son cinéma et en se livrant en transparence à un troublant autoportrait en créateur obsessionnel, coupé du monde et de la vie, Miyazaki signe un chef-d'œuvre alliant splendeur plastique, force émotionnelle et intelligence du regard.

Les Belles et les Bêtes

Il sera le premier en cette rentrée à illuminer les écrans, mais 2014 ne sera pas en rade de grands auteurs, au contraire. On ronge bien sûr notre frein en attendant de découvrir la deuxième partie du Nymphomaniac de Lars von Trier (29 janvier), dont le Volume 1 nous a conquis par son insolente liberté de forme et de ton ; le même jour, par un hasard de calendrier, Riad Sattouf, formidable auteur de BD et réalisateur d'une des meilleures comédies françaises de ces dernières années (Les Beaux Gosses), mettra lui aussi Charlotte Gainsbourg à l'honneur dans sa fable caustique Jacky au royaume des filles.

Au petit jeu des comédiens qui vont truster l'affiche en 2014, on trouve, comme en 2013, Léa Seydoux. Elle jouera d'abord la Belle dans la nouvelle adaptation par Christophe Gans de La Belle et la Bête (12 février), puis elle ira faire la belle dans le Grand Budapest Hotel de Wes Anderson (26 février). Le film fera l'ouverture de la Berlinale et Anderson, qui compte parmi nos cinéastes favoris, le présentera ensuite au Comoedia et à l'Institut Lumière. Dans cette galaxie du cinéma américain qui compte parmi ses habitants Sofia et Roman Coppola, Wes Anderson a pour voisin Spike Jonze, qui réunit le physique de Joaquin Phoenix et la voix de Scarlett Johansson dans Her (19 mars), histoire d'amour entre un homme fragilisé par une rupture sentimentale et le programme vocal personnalisé de son ordinateur.

Le 19 mars toujours, un autre doux dingue aux multiples casquettes (musicien, DJ, cinéaste), Quentin Dupieux, enverra ses bidonnants Wrong cops faire la loi sur les écrans. Projet récréatif entre l'excellent Wrong et le futur Réalité, ce croisement burlesque entre plusieurs histoires imbriquées selon une logique de l'illogique, est plus drôle que l'intégralité des comédies produites par des Français l'an dernier, et plus novateur formellement que les trois quarts des films estampillés "auteur" dans l'Hexagone.

Mondo cinéma

Le cinéma français, qui a fini l'année 2013 avec une grosse gueule de bois, va-t-il se mettre au régime sec en 2014 ? Sachant que le semestre commence par le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert et se conclura, en mai, par le Saint Laurent de Bertrand Bonello — avec… Léa Seydoux ! —, on se dit que la rationalité n'est pas encore de rigueur. On guettera cependant le nouveau Alain Resnais qui, après avoir sombré dans le verbe ampoulé d'Anouilh revient à celui, autrement plus contemporain, d'Alan Ayckbourn — déjà auteur des pièces qui ont inspiré Smoking / No Smoking et Cœurs — pour Aimer, boire et chanter (26 mars). En tout cas, contrairement à Miyazaki, de vingt ans son cadet, pas de retraite en vue pour le nonagénaire Resnais… À suivre aussi, le nouveau film des frères Larrieu, L'Amour est un crime parfait (15 janvier), et celui de la revenante Marina De Van, Dark touch (19 mars), où elle s'essaie au cinéma de genre en version anglophone.

La France étant un bastion pour la défense du cinéma mondial, on verra en 2014 des films venus de partout : du Japon, avec Real (26 mars), où Kiyoshi Kurosawa reprend le chemin du grand écran après l'escapade télé de Shokuzai ; de Roumanie, avec Métabolisme de Corneliu Porumboiu (26 mars), déjà auteur des excellents 12h08 à l'est de Bucarest et Policier adjectif ; de Pologne, avec le phénomène festivalier Ida de Pawel Pawlikowski (12 février) ; et du Québec, avec la sortie longtemps attendue du nouveau Xavier Dolan, Tom à la ferme, son premier flirt avec le cinéma de genre. Jim Jarmusch, lui, fait le tour du monde en un seul film avec l'excellent Only lovers left alive (19 février), où des vampires traînent leur éternité comme des hipsters nostalgiques entre Tanger et Detroit, entre beat generation et ruines industrielles. 

Et l'Amérique, la vraie, dans tout ça ? Les projecteurs sont déjà braqués sur le Noé de Darren Aronofsky (9 avril), pour savoir comment le réalisateur de Requiem for a dream et Black swan va s'accommoder d'un blockbuster qu'on espère pas trop biblique. Sinon, il y aura de la SF et du super-héros en 2014, comme il y en eut en 2013, mais il y aura aussi, le 7 mai, des Muppets. Lavant l'injure faite au tordant Les Muppets, le retour, sorti seulement en vidéo, Muppets most wanted trouvera bien le chemin des salles. Après avoir débauché Jason Siegel, Kermit et ses potes ont recruté Ricky Gervais, l'Anglais le plus drôle du monde. Ça s'appelle sentir le vent — comique — se lever, et ce n'est pas donné à tout le monde !


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2013 : une année cinéma entre extase et chaos