Plan B pour Buffet


A dix-neuf ans il décroche le prestigieux Prix de la Critique, à vint-huit, il est au volant d'une Rolls. Une trajectoire fulgurante, digne d'un trader, pour un peintre tout en paradoxes : Bernard Buffet (1928-1999). Oublié des livres d'histoire de l'art et des institutions nationales (le Japon, en revanche, lui consacrera carrément un musée en 1973), Buffet a connu jusqu'à un succès commercial et populaire quasi-inentamé aujourd'hui.
 

Le critique d'art Eric Troncy explique l'absence d'exposition muséale de Buffet en France par un «risque majeur» : «celui que, tandis que les choses ont changé, que la célébrité n'est plus un facteur de disqualification, que le succès n'est plus tabou, l'on voit enfin la richesse incongrue d'une œuvre qui n'est pas simplement à la surface des toiles». Au-delà, le problème avec Bernard Buffet, c'est qu'il en fait peut-être un peu trop (aucun genre pictural ne lui échappe et sa production est prolifique), que son style graphique (avec ses fameux traits noirs aux angles aigus) surenchérit sur lui-même, que sa signature, au sens propre comme au figuré, crève les yeux. On peut se lasser de Buffet, comme on se lasse d'un Robert Combas ou d'un Ben, en dépit de leur talent.
 

Si tel est vôtre cas, nous vous proposons d'aborder l'accrochage de ses travaux à la galerie Estades en vous focalisant sur quelques créations alternatives : une puissante œuvre de jeunesse quasi-abstraite (Phare et sémaphore, 1951, ci-dessus), un bouquet d'hortensias étonnamment dépouillé, un étrange dessin de visage aux yeux bandés ou une lithographie de lupanar aux effluves licencieuses.
 

Jean-Emmanuel Denave


Bernard Buffet

A la Galerie Estades, jusqu'au samedi 18 janvier


<< article précédent
Insomniaque - Semaine du 15 au 21 janvier