Dommage qu'elle soit si furtive


Qu'on se le (re)dise, le Radiant-Bellevue est en train de salutairement bousculer le petit monde du théâtre lyonnais. En programmant, mardi 21 janvier, dans son éclectique saison, la jeune et encore peu connue Marielle Hubert, il prend des risques déjà récompensés, la salle affichant complet.

Arrivée de la banlieue parisienne, Marielle Hubert a une vision très affirmée de ce qu'elle veut voir sur un plateau, comme on a pu le remarquer à l'Elysée avec Les Âmes rouges et Le Nuage en pantalon : des acteurs au centre, qu'en répétition elle ne lâche jamais des yeux. En montant Dommage qu'elle soit une putain de John Ford, paru en 1633 et censuré jusqu'au XIXe siècle, elle souhaite rendre sa pleine mesure à un texte trop souvent réduit à sa portion congrue : un amour incestueux entre un frère et une sœur. Pour elle, cette histoire ne fait en effet sens que si elle est racontée à l'aune de tous les autres personnages et dans l'intégralité de ses cinq actes : «c'est la société décrite par ces rôles secondaires qui conduit à cet inceste. Tout le monde se bat, se tue, vend des femmes. L'amour pur ne peut plus avoir lieu qu'entre la fratrie».

Dans un décor quasi-fixe, où les comédiens s'adressent parfois au public en des champs/contre-champs cinématographiques, Marielle Hubert semble fidèle au nom qu'elle a choisi pour sa compagnie : La folie nous suit.

Nadja Pobel


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