Tous aux abris !

Yann Guillarme donne enfin suite à Merci Jean-François avec un one-man-show doucement mélancolique et furieusement outrancier. Et confirme, si besoin était, qu'il est l'un des comédiens les plus doués de sa génération. Benjamin Mialot


Le mois passé, au Boui-Boui, le sémillant Alex Ramirès présentait Alex Ramirès est un grand garçon, one-man-show dans lequel il conjure les angoisses inhérentes au passage à l'âge adulte avec un peu de mauvaise foi, pas mal d'excentricité et beaucoup de tendresse. Jusqu'à la mi-février, au même endroit, Yann Guillarme présente On n'est pas à l'abri d'un succès, one-man-show dans lequel l'ex-Loose Brother (c'est désormais Jonathan Chiche qui donne la réplique à Aurélien Portehaut) et animateur du Smile Comedy Club conjure les angoisses inhérentes à la paternité avec un peu de tendresse (échographie à l'appui), pas mal de mauvaise foi et beaucoup d'excentricité. Coïncidence ? Non, mon capitaine. Parce que la vie est ainsi faite que chaque gain de maturité s'accompagne d'une perte de moral, bien sûr, mais surtout parce que Guillarme et Ramirès ont un temps partagé les mêmes scènes, le premier ouvrant pour le second. D'où émulation.
 

Papa dans le coup


La comparaison s'arrête à cette phobie de la perte d'identité et à cette obsession de l'héritage, les deux énergumènes, bien qu'ils évoluent dans les mêmes sphères (On n'est pas à l'abri d'un succès est mis en scène par Léon Vitale, avec lequel Ramirès a collaboré à chaque étape de sa jeune carrière), œuvrant sur des modes diamétralement différents. Celui de Guillarme tient en un mot : surenchère. Surenchère de cris, de prises à partie, de grimaces... Autant de signes extérieurs de générosité scénique qui font de lui une véritable force de la nature, sorte de Jack Black bouclé capable de rivaliser en outrance avec Louis de Funès et de charisme avec le Dieudonné pré-régime de quenelles sauce ananas. Capable, aussi, de se plier avec la souplesse d'un champion de limbo à toutes les formes d'humour, de la metajoke (les dix premières minutes, virtuoses, rappellent qu'en dépit de certaines apparences, Guillarme est loin d'être un débutant) à la parodie (le final, sommet de grivoiserie décomplexée, le voit rejouer Full Metal Jacket du point de vue d'un spermatozoïde) en passant par l'autodérision, le trash, le burlesque...
 

Pour autant, On n'est pas à l'abri d'un succès ne verse jamais dans le n'importe quoi généralisé, et c'est paradoxalement assez regrettable : là où le très décousu Merci Jean-François permettait à Guillarme de donner toute sa mesure physique et interactive, ce nouveau spectacle, par le souci de cohérence et d'intimisme qui semble avoir présidé à son écriture (par Patrick Chanfray et Mathieu Coniglio), a un peu tendance à le brider (notamment lors d'un très poussif flashback breton). Un peu de rodage et il n'y paraitra sans doute plus.
 

Yann Guillarme
Au Boui-Boui, jusqu'au mercredi 15 février


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Dommage qu’elle soit si furtive