Une autre vie

D'Emmanuel Mouret (Fr, h35) avec JoeyStarr, Jasmine Trinca, Virginie Ledoyen…


Aurore, pianiste qui ne joue plus depuis la mort de son père, rencontre Jean, électricien spécialisé dans la pose d'alarmes, qui vit avec Dolores, modeste vendeuse de chaussures. S'ensuit un triangle amoureux mélodramatique, à l'émotion contenue par une mise en scène qui préfère les chuchotements aux cris, la pudeur à l'hystérie, et qui revient comme un aimant sur la question centrale du cinéma d'Emmanuel Mouret : une phénoménologie du sentiment amoureux qui scrute les lapsus, les actes manqués et les hésitations plutôt que les discours emplis de certitudes.

En délaissant son ton habituel de fantaisie légère à la Rohmer pour les violons du drame conjugal à la Truffaut — et en laissant sa place à l'écran à un JoeyStarr un peu pétrifié par l'enjeu — Mouret se prend les pieds dans le tapis du pléonasme. Film sérieux ne veut pas forcément dire film qui se prend au sérieux, et c'est tout le problème d'Une autre vie, dont on se demande sans cesse ce qui l'empêche de rétrouver ne serait-ce qu'un peu de cette quotidienneté badine qui faisait le charme de Changement d'adresse ou de L'Art d'aimer.

Seul le beau personnage De Dolores — géniale Virgine Ledoyen, comme d'habitude, et tant pis pour ceux qui continuent à ne pas voir la grande actrice qu'elle est — victime désignée devenue ange exterminateur froid et manipulateur, tire le film vers les hauteurs qu'il prétend atteindre. Le reste du temps, Mouret fait comme ses comiques qui acceptent un rôle dramatique pour obtenir des prix : il oublie ses racines et mime le mélodrame plus qu'il ne le fait exister.

Christophe Chabert


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