Poursuivre, dit-elle

Pour son 3e opus, la revue "Initiales" replonge dans l'univers cinématographique et littéraire de Marguerite Duras. Et invite dans ses pages nombre d'artistes et d'écrivains qui s'en inspirent. Jean-Emmanuel Denave


«Il y a une bêtise de Duras qui traverse son génie propre» écrit Thomas Clerc à propos de l'homophobie de Marguerite Duras. On ne retracera pas ici le trajet connu de cette écrivain et cinéaste qui en a toujours un peu trop fait, jusqu'à en exaspérer certains ou à interviewer Michel Platini en sachant à peine ce qu'était un ballon de foot. Car ce qui importe, au fond, c'est que l'auteur du "je", de l'oralité, du corps et des pulsions, du désir féminin, a créé des failles géniales, dont les répliques sismiques se ressentent encore aujourd'hui. Il suffit pour s'en convaincre de rouvrir Le Ravissement de Lol V. Stein. Ou bien d'effectuer la petite expérience suivante : si vous êtes, comme nous, accablés par l'apathie des dernières productions de vos cinéastes favoris, visionnez le DVD de Détruire, dit-elle (1969) de Marguerite Duras. Ca tranche, ça intrigue, ça interroge pour le moins. Sur l'écran comme sur le papier, Duras fait bouger les lignes.
 

Un pas de côté


Elle provoque et inspire jusqu'aux artistes contemporains. L'étrange installation de Lili Reynaud-Dewar (avec un lit d'où jaillit une fontaine d'encre), présentée lors de la Biennale d'art contemporain, est ainsi née des lectures croisées de Guillaume Dustan et de Marguerite Duras. On s'étonnera moins, dès lors, que le troisième et passionnant numéro d'Initiales lui soit consacré. Editée par l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon, cette revue semestrielle et monographique avait dédié ses deux premiers numéros à Georges Maciunas (figure clef du mouvement Fluxus) et à John Baldessari (artiste américain de la Côte Ouest). Avec Duras, Initiales effectue, comme l'écrit Emmanuel Tibloux (directeur de la revue et de l'ENSBA), «un pas de côté» qui permet notamment de «rendre plus visible le principe même de la revue qui consiste à procéder par échos, explications, reprises et appropriations d'une figure historique par des auteurs et des artistes d'aujourd'hui». Avec une interview et des textes inédits, des portfolios d'artistes, des points de vue et témoignages d'écrivains contemporains et un DVD sur le projet de film de L'Amant, Initiales n'a pas pour ambition de faire le tour analytique d'un auteur, mais d'ouvrir des pistes poursuivant l'esprit d'une œuvre singulière.


Lancement du numéro 3 de la revue
Initiales
Au Bal des ardents, mercredi 22 janvier


Initiales 
Numéro 3 - Marguerite Duras, édité par l'ENSBA de Lyon, 15 euros


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