Gilgamesh, label rouge


Il fallait oser transposer l'épopée de Gilgamesh, une des plus anciennes de l'humanité, dans notre monde actuel. Le texte originel, traduit par Jean Bottéro, est donné à entendre le dimanche à l'Iris. C'est toutefois sur un volet plus contemporain que s'est penchée l'équipe du Lien Théâtre en confiant au jeune Calin Blaga un travail d'adapation. Dans celle-ci, Gilgamesh n'est plus roi de Mésopotamie, mais un «héros ordinaire», comme le souligne le sous-titre ; il est scindé en deux personnages : un jeune môme paumé dans une banlieue et le patron d'une firme de volaille, costard tiré à quatre épingles, roulant des mécaniques telle une version pâle du De Niro de Raging Bull. Ainsi vont les rêves modernes : dominer l'autre même, même en vendant des poulets.

Malgré ce double récit risqué, la metteur en scène Anne-Pascale Paris tient son spectacle en équilibre entre économie de moyens et désir de raconter grâce à une rigueur de travail évidente. Tout est en place : les déplacements des comédiens se font sans faux pas, les quelques cordes descendant des cintres qui balisent le plateau sont habilement utilisées. Seul bémol : un texte trop calqué sur le réel, au point de parfois passer pour un reportage de France Info sur les conflits entre patronat et syndicat où le nom de Goodyear serait remplacé par celui de Kerr, la boîte à poulets fictive. Dans ces instants-là, un déficit de théâtre se fait sentir. Dommage, car l'équipe du Lien Théâtre sait parfaitement mettre en place une intrigue, même lorsqu'il s'agit de faire parler les gallinacés entassés dans un préfabriqué mortifère !

Nadja Pobel

Gilgamesh
Au théâtre de l'Iris (Villeurbanne), jusqu'au samedi 25 janvier


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«Un rêve commun»