La lenteur


Fabio Viscogliosi est un écrivain du fragment, du flashback, des miscellanées intimes. On en avait eu un très plaisant premier aperçu dans Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit (2010). Avec Mont-Blanc, en 2011, on avait été emporté par le récit d'une tragédie nationale vue par le prisme du drame familial – les parents de l'auteur, décédés dans l'incendie du Tunnel du Mont-Blanc – et des conséquences intimes. Persuadé comme Gauguin que «la vie c'est à peine la division d'une seconde», l'auteur poursuit ici, lentement mais sûrement, parfois en creux, toujours dans la diffraction du récit et la sérendipité de la mémoire, une entreprise d'autoportrait qui a quelque chose du Je me souviens de Pérec – l'Italie, un pote, des vacances, un livre sur l'escrime – autant que du petit panthéon personnel – on y croise Mondrian, Errol Flynn, Kafka, Godard et tous ceux qui l'ont marqué, pour un instant ou pour la vie.

Moins surprenant que son entrée en littérature, forcément moins touchant que Mont-Blanc, Apologie du Slow n'en conserve pas moins cette capacité à émouvoir d'un rien, ce charme du pas de côté autobiographique qui font des livres de Viscogliosi des sortes de haïkus autoromanesques. Ainsi, citant un dessinateur japonais dont il pourrait s'approprier la maxime, énonce-t-il pratiquement la note d'intention de son oeuvre, à la fois si lointaine et si proche qu'elle finit toujours par générer un trouble, figer les impressions – ce doit être cela être impressionniste : «Je ne cherche pas à écrire des histoires situées dans le futur, mais plutôt des histoires qui s'affranchissent du temps et des époques». Comme les épisodes éparpillés et intemporels d'une vie d'instantanée.

Stéphane Duchêne

Fabio Viscogliosi
A la librairie Passages, jeudi 30 janvier
Apologie du Slow (Stock – La Forêt)


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