Village people

Chérissant la même recette mais avec un art consommé du dosage chimique, Tunng ne semble pas prêt d'épuiser une formule folktronica qui a une fâcheuse tendance à faire mouche à tous les coups. A l'image de "Turbines", dernier né du laboratoire magique de ces sorciers britanniques. Stéphane Duchêne


Quand on dégaine, à l'image de Tunng, du haut d'une honnête hype indé sans plus, un tube comme le terrible Bullets, le risque est de se le tirer dans le pied et de traîner la patte sur tous les albums suivants. Mais Bullets, qui n'était au fond qu'une pièce de choix du magnifique gâteau Good Arrows (2007), n'a pas eu l'heur d'effleurer d'aussi près que ce soit la créativité de ce drôle de collectif de druides folktroniques. L'album suivant, …And We Saw Land, se payant même le luxe d'une autre bombinette furtive, Sashimi.


 

Il n'empêche que le leader Mike Lindsay a fini par avoir besoin d'air. Au menu : retraite en Islande, emballé dans des lainages en mouton local, le cul sur les fumerolles et les pieds dans la neige, pour un album de folk sous le nom et le titre de Cheek Mountain Thief, absolument renversant. Preuve, au cas où on ne l'aurait pas remarqué, que derrière les onguents électro et les machines à sortilèges se cache un songwriter de première catégorie – comme on dit "premier de cordée".

Filtre psychédélique 

Revigoré, forcément ressourcé, le retour au Village Tunng, du nom du single inaugural de cette dernière livraison, s'est révélé particulièrement fructueux. On se prend dans les bras, on se raconte nos péripéties et en un clin d'œil la magie renaît, aussi riche de cette intimité autarcique propre à la vie en communauté – c'est le côté Shyamalan de ce Village, fil rouge de l'album, où l'on travaille sévèrement du chapeau – que des trésors glanés en chemin – le Village est en réalité global.

Avec Tunng, si les ingrédients sont toujours peu ou prou les mêmes, seuls varient, et cela fait toute la différence, les dosages, savants et subtils, entre classicisme folk et post-modernité : on croît reconnaître sur Follow Follow quelque chose de la formule universelle de Simon & Garfunkel, voilà qu'elle se dilue ou plutôt se précipite en philtre psychédélique 2.0. C'est le credo, emprunté à Lavoisier, de la petite (nouvelle) cuisine folktronica de Tunng depuis ses débuts : «rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme». Une affaire de chimie, la cuisine, ne cessent de répéter les chefs, attifés comme des cookers de crystal meth. Mais quand on transforme les Bullets en tubes et donc le plomb en or, sans doute cela relève-t-il aussi un peu de l'alchimie.


Tunng [+ Tachka]
Au Marché Gare, vendredi 7 février


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