Les nombrils du monde

Duo perpignanais parti à la conquête de l'Amérique avant même qu'on ait entendu parler de lui en France, The Limiñanas se pointe déjà avec son troisième album, une allure dingue et une geste musicale quasiment indescriptible faite de psychédélisme cinématographique et de spectres yéyé multicolores. Stéphane Duchêne.


A la question «où se trouve le centre du monde ?», chacun répondra à peu près : «quelque part autour de mon nombril» ou «dans ton coeur» (pour les plus polis). Salvador Dali, lui, situait ce lieu primordial du côté de la gare de Perpignan. Ensuite, Cali – a-t-on noté qu'une seule lettre et une place dans l'alphabet sépare les patronymes de ces deux "génies" ? – est venu tout saloper et transpirer des cheveux en gueulant «C'est quand le bonheur ?», on a eu envie de mourir sans avoir été heureux et on n'a guère plus regardé Perpignan que légèrement de travers.


Puis sont arrivés les Limiñanas. Bon, ne nous cachons pas derrière le petit doigt de la lorgnette, en France, Lionel et Marie Limiñana sont aussi connus du grand public que Cali est étudié à l'IRCAM ou à la Berklee Academy, mais les States, cet Eldorado pour lequel on abandonne sans peine son ego hexagonal, les adorent. Leurs vinyles font un tabac – un petit tabac, genre bar-tabac de village mais quand même –, ils sont la preuve qu'il y a une vie avant et après Get Lucky.

Pas très drogue


Sans doute faut-il y voir les effets de ce côté
frenchy but chic qui n'a pas oublié de s'empiffrer de Nuggets – les compilations garage, pas les pépites de crypto-poulet –, de s'abreuver de soul fumante, de voir la vie en technicolor filmée par Tarantino. Quand, en 2010, ils chantent Je ne suis pas très drogue, il y a de quoi se trouver confus. C'est Brigitte Bardot barjot mangeant du phoque à La Madrague, Gainsbourg vapotant comme un auto-cuiseur, Dutronc en chemise à fleurs, Antoine Doinel qui joue du tambourin, le Brian Jonestown Massacre à la Chance aux Chansons, Otis Redding à la fête de la loutre. C'est yéyé et c'est «No, no, no», comme le chantait Miss Maison du Vin. C'est Nouvelle Vague et c'est écume multicolore. C'est la France frontalière de l'Espagne mais aussi du monde entier. C'est une «Mercedes déglinguée» transformée en Ford Mustang.


Tout le programme est déroulé sur le "name-droppant" et "Patrick-Coutinesque"
Votre côté yéyé m'emmerde sur le terrrrible Costa Blanca, sorti l'an dernier. The Limiñanas, qu'on ne s'y trompe pas, roule à peu près un million de mécaniques à la seconde. C'est compris dans le prix du trip. Et puis comme disait Dali : «Attention,  à jouer au génie, on risque de le devenir».
 

The Limiñanas [+ Magnetix]
Au Clacson, samedi 15 février


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