Notwist again

Après un concert magique en ce même lieux en 2008, les Allemands de The Notwist, vingt-cinq ans d'âge, reviennent à l'Épicerie Moderne avec sous le bras une ribambelle de tubes glacés et exigeants et un album tout chaud comme ultime preuve d'une forme olympique mais jamais ostentatoire. Stéphane Duchêne


On dit que The Notwist se serait un peu ramolli après vingt-cinq ans d'activité. Faux. C'est bien mal connaître les teutons de Weilheim. Il n'y a qu'à écouter les singles de leur dernier album, Close to the Glass, pour s'en convaincre, qu'il s'agisse du ravageur Kong, dans la droite lignée des grandes chansons du groupe, mélange de chaleur humaine et de distanciation glacée tout entier contenu dans la voix blanche de Martin Archer, ou de la plus expérimentale tambouille électro-free jazz du titre éponyme. 

De voir aussi l'énergie déployée par les Teutons lors de leur concert au Divan du monde, tapant sur leurs batteries, maltraitant leurs guitares, triturant leurs "beat-onios" électroniques – ces fameuses manettes de Wii déjà utilisées par le drôlissime Martin "Console" Gretschmann tels des nunchakus lumineux pour commander ses machines à distance lors du dernier passage du groupe à l'Epicerie Moderne, qui restera dans les annales comme un très grand concert... Et surtout continuant de faire preuve d'une inventivité d'interprétation sans faille mais aussi de la générosité ad hoc.

Hymnes de la demi-teinte


Car les Notwist ne sont guère avares quand il s'agit de dégainer les tubes. Comme ils n'en ont pas toujours produit ils savent bien, comme d'ailleurs tous ceux qui les connaissent, qu'en majorité ces petites bombes d'émotion se trouvent sur Neon Golden (Pilot, Pick Up the Phone, One with the freaks) et dans une moindre mesure sur The Devil, You & Me (l'imparable Boneless en tête). Ajoutons-y des morceaux plus anciens comme Chemicals et on a là une magnifique brochette d'hymnes de la demi-teinte. Ni tout à fait exaltants, ni tout à fait tristes à pleurer, ni tout à fait dansants, ni tout à fait cérébraux, parfois sauvages, parfois un peu autistes. Une fois encore, le chant d'Archer y est pour beaucoup, qui charrie presque malgré lui une palette d'émotions grises à laquelle il revient à chacun de donner une couleur. Il faut reconnaître une chose à The Notwist, l'un des exemples les plus réussis de sophistication avant-gardiste et d'évidence mélodique – là aussi résident la demi-teinte et l'entre-deux : rarement une formation aux airs de réunion de club d'échecs aura été en mesure de toucher à ce point le cœur des midinettes pop, filles ou garçons, humains ou machines.
 

The Notwist [+ Jel]
A l'Epicerie Moderne, mardi 11 mars


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Gloria