Ivre de la jungle

Après avoir impressionné avec le magistral "Lost, Lost, Lost", Les Marquises reviennent avec "Pensée Magique", un deuxième album tribal, fou, épuisant mais inépuisable. A découvrir en live au Périscope. Stéphane Duchêne


En 2010, Lost, Lost, Lost, le premier album-monstre des Marquises, avait frappé un tel coup qu'on n'avait pu faire autrement que de lui consacrer notre Une. On ne vous cachera pas qu'à l'écoute du deuxième disque du groupe on aurait bien renouvelé l'opération – mais il faut quand même bien laisser un peu de place à la concurrence. D'autant qu'il paraissait compliqué de donner une "suite" à Lost.... Ca tombe bien, ce n'en est pas une. Jean-Sébastien Nouveau, toujours aussi bien nommé, a tout effacé, tout envoyé valser et tout recommencé, affirmant par là même, s'il était besoin, que Les Marquises sont avant tout une créature à géométrie variable. La voix de Jordan Geiger a fait place à celles du touche-à-tout Nicolas Laureau (Don Nino, NLF3), de Benoît Burello (Bed) et de Johannes Buff (Dubaï), en sus du renfort de musiciens de la trempe d'Etienne Jaumet de Zombie Zombie. Et s'il est toujours ici question de se perdre, ce deuxième album est le fruit d'un chambardement esthétique presque complet, passant du froid au chaud, de la brume à la moiteur de la jungle.

Les Maîtres Fous 


Une fois encore, c'est à une œuvre on ne peut plus singulière qu'on a affaire – ce qui n'est pas sans expliquer la signature du groupe chez Ici d'ailleurs, maison mère de Mendelson, Michel Cloup et Matt Elliott. Le véritable tour de force de cet album véritablement inclassable, c'est d'être à la fois difficile à dompter et très accrocheur, intelligent et sauvage, réfléchi et instinctif, ne se résumant nullement mieux que dans ce titre formé de deux termes antinomiques : Pensée Magique. Sans doute parce qu'il sait saisir ce qu'il y a de primitif en chacun de nous, avec ses rythmiques tribales, ses cuivres fous, et la puissance d'évocation quasi-chamanique de sa musique, immédiatement productrices d'images mentales. C'est que Pensée Magique se nourrit davantage d'influences cinématographiques que musicales : Jean Rouch – dont le documentaire de 1955 donne son titre au morceau d'ouverture,  Les Maîtres Fous –, le Werner Herzog de Fitzcarraldo et Aguirre, et Sa majesté des Mouches de Peter Brook. Avec Pensée magique, les Marquises nous lâchent sur une île déserte, on l'explore en tremblant (Les Maître Fous donc), on l'attaque à la machette pour la tailler en pièces de rage (In the Forest) puis l'on tente de s'y faire une place que l'on trouve (The Visitor, Jennie's Magic Cast-on). Une fois installé, lorsque les secours arrivent, on les massacre.

 

Les Marquises [+ Agathe Max]
Au Périscope, jeudi 6 mars


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