69, année électrique


Dans le Kâmasûtra, le 69, cette position qui permet à deux partenaires de se stimuler oralement l'un l'autre (et dont Jean-François Copé s'imagine sans doute qu'on l'enseigne en cours de SVT dès le collège), est appelé «congrès du corbeau». Pourquoi ? Nul ne semble le savoir, pas même les dénommés Armand Gonzalez et Virginie Peitavi, partners in crime de lèche-majesté au sein du duo 69. Ignorance qui ne les empêche pas de produire, depuis 2007, une musique luisant du même éclat de jais que celles de Joy Division, Public Image Ltd et Wire, entre autres oiseaux de mauvais augure de l'après-punk.

Ce mauvais penchant ornithologique est toutefois bien antérieur : il date très exactement de 1991, année de naissance de Sloy, trio au sein duquel ils ont, avec pour seul ramage un yaourt psalmodique et la complicité du batteur Cyril Bilbeaud - désormais citoyen de la Zone Libre de Serge Teyssot-Gay, -, fait passer en France ces mélodies insanes et riffs mutilateurs comme on fait entrer un charognard dans une bergerie décimée par la fièvre aphteuse.

Un passage aux Transmusicales, une Peel Session, trois albums plein d'urgence et de danger (dont un, le premier, Plug,  enregistré par un autre modèle du groupe, le grand ordonnateur du noise rock anguleux Steve Albini) et un tube délirant plus tard (Pop), Sloy se liquéfiait en une soupe primordiale dans laquelle puiseront des types aussi divers que Miossec et Eric Pasquereau (Papier Tigre). Et 69 donc, qui l'a déliée, à coups de boîtes à rythmes et claviers rudimentaires et à ce jour sur deux disques, en une cold wave aussi sinistre et obsédante qu'un lointain croassement.

69
Au Sonic, samedi 8 mars


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