Le bruit et la pudeur

A "Notre silence", disque étouffant et sublime, le Michel Cloup Duo offre avec "Minuit dans tes bras" un successeur aux subtiles variations sur les mêmes thèmes chers au plus grand pompier pyromane du rock français. Un album qui, entre claques et étreintes bienveillantes, prend quoi qu'il en soit l'auditeur à bras le corps avec la plus grande des pudeurs. Stéphane Duchêne


Pour Minuit dans tes bras, deuxième album sous son nom mais pas pour autant solo, Michel Cloup a descellé les parenthèses de "Michel Cloup (Duo)". Lesquelles semblaient marquer une appréhension à se produire seul tout en étant le stigmate d'un album trop personnel pour être pleinement assumé à deux en dépit d'un titre, Notre Silence, qui pouvait laisser penser le contraire. Mais à l'époque ce silence, assourdissant et corrosif, était encore celui de l'homme Cloup : un album de deuil, un cri de douleur poussé face contre terre et chargé de «recycler cette colère» trop lourde à porter.

Désormais Michel Cloup Duo assume sans faux-semblant la présence du deuxième élément de la formation, le batteur et fidèle parmi les fidèles Patrice Cartier. Après ces parenthèses marquant aux fers rouges le début de l'aventure Michel Cloup, le Toulousain peut reprendre ses travaux pratiques d'autopsie d'un quotidien bancal et de la désagrégation d'un sentiment amoureux à l'obsolescence programmée, sans pour autant être fatale (les deux morceaux de bravoure que sont Nous vieillirons ensemble, J'ai peur de nous).

Cicatrices

Moins sombre que Notre Silence – la chose est relative, Cloup étant un orfèvre du camaïeu de noirceur – moins empreint de colère froide, Minuit dans tes bras ne s'affiche pas moins, derrière ce titre faussement romantique, comme un coup de tête à l'âme. Guitare baryton dont la rage rentrée mais toujours prête à être dégainée est aussi la douceur ; batterie implacable rythmant l'irrépressible rumination ; voix blanche comme un linge épongeant des sueurs froides : le duo fait des merveilles sur un registre étendu, moins claustrophobe que Notre Silence.

La musique de Michel Cloup a ceci de particulier qu'elle est à la fois d'une rare épure et infiniment complexe à décrire, tant elle se révèle mille fois plus subtile dans ses variations que son mode opératoire le laisserait penser. A l'image de l'extrême pudeur qui traverse des thèmes ultrasensibles et de la façon dont l'intimisme manie l'universalité des mots simples. Dont le recensement des doutes ordinaires a l'élégance de la résignation. Chez Cloup, les «cicatrices», vieilles ou nouvelles, nous rappellent qu'on a vécu, qu'on a vieilli, mais plus important encore : qu'on est toujours vivant.

Michel Cloup Duo [+ O]
Au Sonic, vendredi 14 mars


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