Dans l'oeil du tigre


En 2010, sur la pochette de Femina, Paulo Furtado, rare exemple de rocker portugais à la trajectoire mondiale, apparaissait une moitié de visage maquillé, pour ne pas dire travesti, en quelque chose comme un Paulo/Paula, un Victor/Victoria inversé, l'oeil ourlé de faux cils pour un disque de reprises avec un casting international de belles. Stromae n'avait donc rien inventé sur ce plan. Sur les pochettes de ses autres disques, on le trouve soit masqué, soit en compagnie de femmes nues. Aujourd'hui, sur celle de son cinquième, voilà le même Furtado en gros plan, œil du tigre fatigué, et dont on ne sait trop s'il sort de la séance d'intense démaquillage qui a suivi ou, connaissant l'animal, de six jours de sport en chambre consécutifs.
 

L'album s'appelle True et l'on y voit Furtado tel qu'en lui-même. On l'y entend aussi. Sans doute plus, même s'il y éprouve la même sincérité, que lors de ses escapades avec son groupe Wraygunn. Ici du Legendary Tigerman, c'est comme s'il ne restait que l'homme. Rentré au bercail. On le croirait volontiers rien qu'en écoutant le dépouillé et posé Do Come Home. Mais qu'on ne s'y trompe pas, la bête du Mozambique, le pays natal du Portugais, ne tarde pas à se réveiller, clamant «I'm just a wild beast with a broken heart», en cold blues gothique noyé sous des pluies de violons. Chez Furtado quel que soit l'emballage, ou le déballage, le blues c'est un peu d'inspiration pour jouer et beaucoup de transpiration pour déjouer, et se foutre à poil, c'est autant le Delta qu'Alan Vega. Vous pouvez sans doute faire confiance à l'homme, le vrai, mais uniquement sur un point : le tigre est en lui et il n'en fait qu'à sa tête.
 

The Legendary Tigerman  [+ Harold Martinez]
Au Marché Gare, vendredi 14 mars


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Le bruit et la pudeur