Un soupçon de magie


La magie, comme l'ostéopathie, est affaire de doigté. François Martinez menait une vie confortable grâce à la seconde, il a tout plaqué pour assouvir sa passion de la première, non sans se faire rétamer par sa femme sur le terrain de l'escamotage – tandis qu'il s'entraînait à faire disparaître des foulards, elle s'évanouissait avec son fils.

C'est en tout cas ce qu'il raconte sous la plume de l'ubiquiste Jocelyn Flipo dans Copperfield, Harry Potter et Moi, one-man-show vaguement autobiographique où les tours de passe-passe sont autant linguistiques que manuels. Comme chez Éric Antoine ? Plus ou moins, mais sans la coupe "nid de chenilles processionnaires" caractéristique du géant du Val d'Oise. Et sans son assurance. Martinez est en effet encore jeune dans le métier, et cela se sent : bien qu'assez inédit dans le genre (certains appellent ça "l'humorillusionisme" et Maître Capello en fait des triple lutz dans son cercueil) de par sa construction narrative et techniquement bluffant – ingestion de lames de rasoir, mentalisme, recollage d'un canard déchiré, il sait à peu près tout faire –, son spectacle manque pour l'heure de punch, d'équilibre et de naturel, mais aussi de justesse, le for intérieur de chic type de Martinez semblant mal s'accommoder des vannes les plus borderline.

Au détour d'une émouvante paire de sketchs où la forme et le fond s'imbriquent parfaitement, d'un côté une déclaration d'amour à base de balles en mousse, de l'autre une comptine qu'illustre une variante des "trois cordes", on voit cependant très bien vers quoi il se dirige. Rendez-vous ici quand il y sera.

Benjamin Mialot

François Martinez
Au Boui-Boui, jusqu'au samedi 29 mars


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