Frères de son

Multi-instrumentistes précoces, les frères Lawrence ont regardé la dance music britannique se réinventer comme on contemplerait le surgissement soudain d'un continent inconnu. Avant de se lancer, sous le nom de Disclosure, à sa conquête avec "Settle", premier album plus euphorisant qu'une intraveineuse de Vodka-Red Bull. Benjamin Mialot


A voir leurs frimousses de gentils fils à maman, on se dit que les frères Lawrence seraient plus à leur place au Mickey Club que dans les sous-sols embrumés de phéromones et saturés de basses où la jeunesse britannique vit ses nuits sans compter sur ses jours. Guy et Howard, respectivement nés en 1991 et 1994, ont pourtant pris goût à cette espèce de soupe primordiale qu'est la musique électronique d'outre-Manche des années 2000 dans de tels endroits. Au point d'en synthétiser leur propre variété, étonnant et addictif mélange d'épicurisme house et de romantisme pop qui sied à une dégustation au casque comme à une bâfre au pied d'une façade d'amplis – et fait tilter les charts depuis la sortie, en 2012, du single Latch, modèle de post-r'n'b tiré à quatre épingles qui imposa au passage le parfait inconnu Sam Smith comme l'une des voix les plus chics du royaume.

Les colons de la tatane

Ce n'est sans doute pas le futur qu'envisageaient pour eux leurs parents, auxquels ils doivent à la fois leur savoir-faire instrumental – ils leur ont appris dès le sortir du couffin à manier guitare et batterie pour l'aîné, piano et basse pour le benjamin – et leur sens des structures qui s'incrustent dans le système limbique – merci la discographie de classiques de la pop à couplets.

Mais c'est celui vers lequel les ont guidé Aaron Jerome et Joe Goddard, ainsi que Joy Orbison et Burial. Le premier, à l'avant-garde du dubstep sous le nom de SBTRKT, les a rapidement embarqués en tournée. Le deuxième, ingénieur en chef de la dance machine Hot Chip, a publié leurs singles inauguraux. Quant aux derniers, ils leur ont montré que l'anticonformisme de l'underground était soluble dans l'universalisme du mainstream. Une démarche bien ancrée dans l'époque et que le percutant Settle, premier home record du duo, illustre avec autant de ruse (When a Fire Starts to Burn, leçon de syncope construite autour d'un bout de sermon) que de séduction (Confess to Me, avec la gironde Jessie Ware), les frangins s'y payant même le luxe de signer les meilleurs morceaux de London Grammar (Help Me Lose My Mind) et d'AlunaGeorge (White Noise) qui n'en sont pas – et avec la complicité des chanteuses de ces deux autres figures du néo-clubbing à l'anglaise s'il vous plaît.

Disclosure
, au Transbordeur mercredi 19 mars


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