Chemins de traverse


Depuis quatre années, le Théâtre Théo Argence de Saint-Priest s'échine à décloisonner sa programmation et s'ouvrir à un public le plus hétéroclite possible. Une mission certes au cœur de son action tout au long de l'année, mais qui atteint un point d'orgue avec le festival Transversales, composé de restitutions publiques de travaux d'écriture menés en collaboration avec des compagnies (Arnica) ou des auteurs (Sébastien Joanniez), de concerts (Carina Salvado, les Barbarins Fourchus en clôture) et bien sûr de théâtre.

Parmi les trois spectacles proposés cette année figure le poignant Invisibles. Cette pièce du Grenoblois Nasser Djemaï, franc succès depuis sa création en 2011, aborde un sujet douloureux : les travailleurs immigrés à la retraite, restés en France loin de leur famille pour pouvoir toucher leur rente. Entre hommes, au foyer Sonacotra du coin, ils préparent leurs obsèques, là-bas, où ils seront sûrs de tenir la main de leurs ancêtres dans l'au-delà. En attendant, ces chibanis jouent aux cartes et veillent les uns sur les autres jusqu'à l'arrivée de Martin, jeune agent immobilier qui déboule après une agression à la recherche de son père.

Mais qu'importe l'intrigue : elle n'est qu'un prétexte à la prise de parole de chacun. Dans une scénographie dépouillée et avec quelques effets visuels en fond de scène - comme des apparitions de femmes plus fantomatiques encore que ces messieurs oubliés -, Djemaï s'efface derrière ses personnages. Si la séquence finale est un peu trop théâtralisée, elle n'atténue qu'à peine la force de ce spectacle, belle réponse à un manque qui ne disait pas son nom.

Nadja Pobel

Les Transversales
Au Théâtre Théo Argence, du vendredi 21 au vendredi 28 mars


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