Gros calibre


Si, comme le veut l'adage populaire, les mots sont des armes, alors Cédric Chartier possède un arsenal d'une dangerosité à changer en fontaine d'adrénaline un inspecteur de l'ONU. Oubliez les jeux de massacre zemmouriens de Gaspard Proust, le vanneur d'élite le plus précis et le plus loyal du moment – et, par extension, l'un des rares héritiers légitimes de Pierre Desproges – c'est ce faux croquemort lettré et pince-sans-rire de Bourgoin-Jallieu et, chance, son verbe ne s'est pas encore heurté à cette vitre pare-balles qui ne dit pas son nom qu'est le petit écran – nonobstant quelques passages par On n'demande qu'à en rire, le télé-crochet comique de Laurent Ruquier.

Son credo : «un humour noir dans lequel tout le monde peut se sentir visé» qu'il assène d'une plume trempée dans une encre dont la causticité n'a d'égale que le soin avec lequel cet ancien vendeur de livres en grande surface choisit ses mots. En effet, contrairement à ce que laisse supposer son patronyme, Cédric Chartier ne jure pas. Ou plutôt si, mais uniquement avec le reste du métier. Voir, à ce titre, cette séquence dans laquelle il versifie à l'adresse d'une ex-petite amie démembrée par un train avant de canarder avec une même verve croulants médiatiques et minorités du public, ses jeux de mot macabres et plaisanteries politiquement très incorrectes suscitant alternativement éclats de rires coupables et interrogations furtives sur la finitude des choses. Du grand art.

Benjamin Mialot

Cédric Chartier
A l'Espace Gerson, jusqu'au samedi 29 mars


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La splendeur bergmanienne