Espace-son

Dans le cadre de l'exposition "Listen Profoundly" au Musée d'art contemporain, l'artiste allemand Heiner Goebbels présente une fort belle installation entremêlant sons et éléments visuels. Jean-Emmanuel Denave


Invité d'honneur de la biennale Musiques en scène, l'inclassable Heiner Goebbels (né en 1952 en Allemagne, il est à la fois compositeur, metteur en scène et musicien) nous aura pour le moins déçu à travers deux de ses pièces de théâtre musical présentées au TNP. La troisième partie de I went to the house but did not enter allait même jusqu'à "lyncher" l'un des plus beaux textes de Beckett, Cap au pire, en le faisant chanter par l'ensemble Hilliard, plus habitué aux partitions médiévales. Rendre Beckett lyrique relève pour le moins du contresens, voire du mauvais goût. Considérée comme l'une des œuvres-clés de Heiner Goebbels, Stifters Dinge et ses cinq pianos automatiques a fini elle aussi par nous lasser, malgré ses prouesses techniques et quelques passages esthétiquement séduisants à base de fumerolles à la surface de l'eau. On allait donc découvrir l'installation de l'artiste au Musée d'Art Contemporain un peu à reculons... A tort, tant Genko-An 69006 se révèle être une expérience sensorielle envoûtante et zen !

La quadrature du cercle


Le dispositif inventé par Goebbels au MAC est assez simple : plongé dans l'obscurité, le spectateur découvre un carré et un cercle lumineux côte à côte et entend une bande-son composée d'un collage de musiques classique, ethnique et autres, et de lectures de textes (on y reconnaît par exemple des extraits de La Jalousie de Alain Robbe-Grillet)... La pièce dure quarante minutes et il faut effectivement du temps pour y percevoir de subtiles variations : changements d'intensité lumineuse des éléments géométriques qui se reflètent par ailleurs sur une surface aquatique, frémissements imperceptibles de l'eau... L'artiste joue ici, en écho à un temple bouddhiste japonais, de subtiles oppositions entre la forme et son reflet, le chant et la parole, le solide et le liquide, l'obscur et le lumineux, le son et l'image...

Cette mise en espace du son et de la musique s'inscrit dans un ensemble intitulé Listen Profoundly, réunissant aussi des dessins du musicien Morton Feldman et une œuvre multimédia de Ulf Langheinrich (voir notre Une). En renouvelant sa collaboration fructueuse avec la biennale Musiques en scène, le MAC poursuit aussi le lien privilégié qu'il entretient avec la musique contemporaine (les expositions Laurie Anderson, La Monte Young ou, plus récemment, John Cage/Erik Satie).
 

Listen Profoundly
Au Musée d'Art Contemporain, dans le cadre de la biennale Musiques en scène, jusqu'au dimanche 20 avril


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