Trash ? Yeah yeah !

Un casting cinq étoiles et une mise en scène pluridisciplinaire au service de la quête amoureuse d'une superstar du porno : Jocelyn Flipo signe avec "Trash" sa comédie romantique la plus ambitieuse et la plus aboutie. Benjamin Mialot


Comme tout metteur en scène dont le talent est proportionnel à l'obsession avec laquelle il réinterroge œuvre après œuvre les thèmes qui lui sont chers, Jocelyn Flipo a son comédien fétiche. En l'occurrence Alex Ramirès, pour lequel il a imaginé, après le rêveur avenant de Dans ta bulle et le minet qui se découvre un don pour la peinture de Loving Out, un troisième rôle à la mesure de son élasticité et de son hypersensibilité : celui d'un pornographe amateur bien décidé à faire vaciller l'empire d'un magnat du cinéma pour adultes, personnage que le Serial lover devenu «grand garçon» interprète avec un aplomb écrasant. Ce qui, compte tenu du prestige et de l'harmonie du reste du casting, d'un Yann Guillarme irrésistible de bagou en producteur passif-agressif obnubilé par la rentabilité de ses films – au point d'ignorer le manque d'affection que cachent les provocations de sa fille, interprétée par la prometteuse Delphine Leputh – à une Ségolène Stock confondante de vraisemblance en hardeuse en bout de course, n'est pas peu dire.

Il n'y a pas de rapport sexuel

Ce n'est toutefois pas l'amour que Flipo porte à ses comédiens qui est au cœur de Trash. C'est celui que Julien Monnier – Franck Ziatni, qui compense un jeu un peu approximatif par une impressionnante condition physique – sorte de James Deen analphabète, autrement dit un boy next door devenu à la faveur de performances aussi brutales que sensibles une icône sexuelle, éprouve pour une institutrice coincée – Alexandra Bialy, comme toujours irréprochable – au point d'envisager sérieusement de se retirer (hum...) du business.

De là, Flipo déroule, avec la finesse qu'on lui connaît et en proposant sans avoir l'air d'y toucher une vision assez précise du secteur – de la difficile reconversion des acteurs à l'essor du boulard fait maison – le b.a.-ba de la comédie romantique : quiproquos, premières fois, confessions... La différence avec Dans ta bulle et Loving Out, c'est qu'au-delà de ses habituels découpages et clins d'œil cinématographiques (au Parrain, à Blanche-Neige, à James Bond), il le fait en débordant complètement le cadre du café-théâtre, ici par le truchement d'une scénographie géométrique, là par la projection de courts-métrages – dont un, aussi chaud bouillant que le Spring Breakers d'Harmony Korine, qui pulse au rythme des drops mastoc des Bass Freak Dogz - ailleurs en s'aventurant avec succès dans le registre du music-hall, chorégraphies explicites à l'appui. Autant de prises de risque et ruptures de ton qui, entre deux coups d'éclat de la charmante et allumée Thaïs Vauquières (qu'on a hâte de découvrir dans un premier rôle dans le Ventes privées de notre Christophe Chabert national), convergent vers un beau twist réconciliateur en forme de décharge empathique. «Le spectacle qui vous prend et vous retourne» clame la ba(i)seline de l'affiche. Au sens propre comme au figuré.

 

Trash
A la Comédie-Odéon, jusqu'au samedi 3 mai


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