Krule world


Seul maître à bord du courant blue wave dont il est à la fois l'instigateur et le perpétrateur unique, Archy Marshall, physique de sauterelle à la couronne rouquemoute, a l'air droit sorti d'un film de Ken Loach ou d'un épisode de Skins ; l'air de trimbaler sa misère au petit matin quand l'Angleterre se réveille d'une nuit de cuite.


Mais cette Angleterre, qu'elle fut victorienne, thatcherienne, blairiste et aujourd'hui moche comme un Cameron, a toujours eu cette fascinante capacité à recracher ses rebuts en façonnant des génies. Archy est de ceux-là, qui a quelque chose en lui d'un King. King Krule en l'occurrence, son double (ex-Zoo Kid, autre avatar qui lui allait si bien), poussé à l'adolescence sur le devant de la scène par un talent aussi précoce que prodigieux – et développé en réalité au sein d'une famille très portée sur la musique plus que dans les arrière-cours de pubs décatis.


Krule, c'est une voix d'outre-monde, grave – mais grave – genre Joe Strummer-Edwyn Collins zombie-crooner, qu'il mâchonne d'un accent cockney à couper au tesson, une culture musicale immense (rockabilly, ska, reggae, dubstep, new wave, cold wave, punk, blues, jazz, pop, le jeune homme a tout écouté), un art consommé et hautement consommable de la transformation, siphonné de rage comme un estomac en mode fringale, maître de l'atmosphère frissonnante au point d'être comparé au grand Mike Skinner de feu-The Streets – il officie également en mode hip hop sous le nom d'Edgar the Beatmaker. King Krule ne ressemble à rien, au propre comme au figuré, et c'est bien ce qui fascine.


Stéphane Duchêne


King Krule
Au Marché Gare, samedi 5 avril


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Des racines et des ailes