Polar sans frontières


«Je suis devenu un écrivain de roman noir le jour où j'ai réalisé que le genre policier n'avait pas besoin de parler de meurtres pour exister». Voilà une citation, signée Thomas H. Cook, qui peut paraître en totale contradiction avec l'invité d'honneur de ce festival : James Ellroy. Encore que. A l'aube de sa dixième édition, avec une équipe de passionnés de la littérature noire, le "petit" festival Quais du Polar est parvenu à devenir l'un des incontournables du genre en France et même au-delà des frontières. Et surtout à faire admettre que cette littérature, faite de clichés et de prétendus figures imposées, était comme le dit ici Cook, bien plus protéiforme qu'imaginée.


Le succès croissant du genre et du festival le prouve et a permis à notre horizon polar de s'élargir non seulement stylistiquement, mais aussi géographiquement. Nous faisant quitter le pré-carré franco-américain pour, par exemple, un nouvel eldorado scandinave – dont la vénéneuse Camilla Läckberg est la nouvelle égérie. Mais aussi des contrées plus exotiques dont on découvre chaque année les nouveaux talents : Israël avec Liad Shoham, l'Equateur avec Alfredo Noriega, la Pologne avec Zygmunt Miloszewski. Certains comme le sud-africain Deon Meyer sont devenus aussi populaires que leurs homologues américains ou britanniques (R.J. Ellory, Peter James...). Même s'il est évident qu'avec la vieille et la jeune garde française, ceux-ci continuent de tenir le haut du pavé, non sans continuer à étendre à l'infini la portée du propos polar. Ainsi de l'Anglais Tim Willocks qui plonge son héros Matthias Tannhauser, mercenaire et trafiquant d'armes dans un XVIe siècle de bruit et de fureur. Ou de ces écrivains de l'Ouest perdu que sont Bruce Holbert et Craig Johnson.


Ce dernier est en plus assez symptomatique de la porosité du polar d'aujourd'hui, dont le festival tente de s'approcher au plus près. Si George Pelecanos, l'une des stars de cette édition, est devenu scénariste des séries The Wire et Treme, Johnson a lui vu son personnage Walt Longmire prendre vie sur petit écran. Avec ce dixième rendez-vous, touffu et dégoupillant tous azimuts (cinéma, théâtre, BD, séries, photos, gastronomie), Quais du Polar devrait donc démontrer que quelles qu'elles aient pu être, le polar ne connaît plus de frontières. Il est un grand brouillard intrigant dans lequel on aime se perdre.


Quais du Polar

Du vendredi 4 au dimanche 6 avril


Stéphane Duchêne


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