Entre-deux-camps


Monter un classique des classiques : la mission est pour le moins délicate. Frédéric Constant, metteur en scène et acteur associé à la Maison de la culture de Bourges, a le mérite de s'y être essayé avec Andromaque, mais il s'y est cassé les dents. Transposant les héros et victimes de la Guerre de Troie dans l'entre-deux-guerres du XXe siècle, Constant semble surtout incapable de choisir entre deux temporalités : ses actrices jouent comme de grandes tragédiennes de l'Antiquité mais se confrontent à un Oreste sortant de la Navy ; sa mise en scène est rudimentaire pour ne pas dire statique dans sa première moitié alors que dans la seconde il multiplie des incursions vidéo plus contemporaines - elle se montrent pour le coup particulièrement pertinentes lorsqu'il s'agit d'évacuer le suicide de Céphise. Jamais les deux aspects ne se lient, créant un faux rythme qui s'étire tout de même sur trois heures.

Même constat côté jeu, les inclinaisons dramatiques d'Anne Sée, qui incarne avec rigueur une Andromaque constamment grave voire mortifère contrastent avec une Hermione souvent caricaturée soit en femme fatale dans un théâtre qui lorgne vers le boulevard (lorsqu'elle est sûre d'obtenir l'amour de Pyrrhus) soit en chevalière masculine et conquérante. Bien sûr, la langue de Racine, que l'on entend ici parfaitement, unifie cette mise en scène, mais elle ne la sauve pas de son manque d'homogénéité.

Nadja Pobel

Andromaque
Au Théâtre de la Croix-Rousse jusqu'au vendredi 11 avril


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Le disco d'un roi