L'étrange répertoire de Benjamin Britten


Benjamin Britten aurait soufflé l'an passé sa centième bougie. Le festival qui le mettra à l'honneur à l'Opéra de Lyon du 10 au 29 avril arrive donc un peu après la bataille. Il n'en fait pas moins œuvre de salut public, consacrant un homme qui, bien que considéré comme le plus grand compositeur britannique depuis Purcell, a vu son répertoire longtemps marginalisé. Peut-être en raison de son originalité, Britten s'étant distingué par sa capacité à conjuguer l'élégance de la tradition à un irrépressible esprit d'aventure. Sans doute parce que ce pacifiste farouche – il se fendit d'un réconciliateur et néanmoins déchirant War Requiem pour la reconsécration de la cathédrale de Coventry – s'est fait un devoir d'y sonder les contradictions de l'âme. Peter Grimes, son premier succès, ne raconte ainsi pas tant le suicide d'un pêcheur accusé à tort du meurtre de jeunes enfants par tout un village que le rejet dont Britten, homosexuel notoire, fut victime de la part d'une société bien pensante. Et constitue de fait le parfait coup d'envoi d'un événement qui, en programmant à la suite Le Tour d'écrou (un huis clos fantomatique pour orchestre de chambre) et Curlew River (une parabole minimaliste et d'inspiration extrême-orientale) balayera rien moins que trente années de sa prolifique carrière.

Benjamin Mialot


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