Where the Wild Beasts are


On pourrait rapprocher la trajectoire de Wild Beasts de celle du Talk Talk de Mark Hollis et dans une moindre mesure du Japan de David Sylvian. Et pas seulement parce que le timbre d'Hayden Thorpe et de Tom Fleming se baladent dans les limbes de l'entre-deux, ni aigu ni grave, ni légèreté ni affectation – ou alors tout cela à la fois. Surtout parce qu'à l'image de ses illustres aînés, le quatuor de Kendal, après des albums qui auraient pu les vouer à l'emphase stadière et à la tentation tubesque – tout en donnant des signes épars des moyens qu'il avait de s'en prémunir – a comme choisi de faire à la fois un pas de côté et volte-face. Quitte à tourner le dos au succès en même temps qu'à la facilité et à une forme d'excentricité glam parfois gênante mais largement acclamée.

C'était déjà le cas sur le précédent disque, Smother, ça l'est encore plus sur Present Tense dont le premier titre, Wanderlust, est éponyme d'un morceau de Sylvian et qui ne peut qu'évoquer les revirements et conséquemment les entêtements atmosphériques à forte capacité de sidération de ce dernier – et bien sûr de Mark Hollis. Thorpe ne cherche plus à torpiller le plafond et éclaboussant tout de sa palette vocale, ayant appris à ne plus forcer la sophistication au profit d'une sobriété qui lui fait paradoxalement gagner en complexité. Fleming, lui, fait des merveilles sur Nature Boy dans un registre de baryton tourmenté quand, sur Daughters, les deux voix s'entrelacent dans une hypnose de claviers. Le reste du disque est à l'avenant et c'est comme si ses bêtes sauvages avaient trouvé la formule permettant de domestiquer ses instincts dans un surcroît de liberté. Ce Spirit of Eden qu'évoquait Talk Talk.

Stéphane Duchêne

Wild Beasts
Au Marché Gare, vendredi 11 avril


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Une belle et sombre inconnue