Paroles de poilus


C'est sobre sans être cheap, émouvant mais pas larmoyant. Belle réussite que Nous crions grâce, pièce reprise par le metteur en scène et comédien Jérôme Sauvion huit ans après qu'il l'ait créée. Certes, en cette année qui commémore le centenaire de la Première Guerre mondiale, cette replongée dans les écrits (notamment des lettres de soldats au front) sur cette gigantesque boucherie est opportune. Reste que ces textes intemporels se doivent d'être au premier plan de ce moment du souvenir.

Partageant la scène avec Pascal Gimenez, Sauvion les donne à entendre très distinctement, sans pour autant n'en proposer qu'une lecture améliorée. Le duo les met réellement en scène, via un vrai travail sur les lumières (impérieux bleu blanc rouge qui se dessine à cour d'entrée de jeu) et la technique (une caméra filme et retransmet en fond de scène un petit train et des soldats de cartons). Loin de n'être que des gadgets, ces adjonctions renforcent avec modestie des propos où il est question de courage et d'honneur, tels ceux de cette mère dont le fils va être fusillé car il a refusé de participer à un assaut : «mort pour mort ne valait-il mieux pas dignement l'affronter ?» lui écrit-elle, en venant à envier les parents d'enfants péris au combat.

Plus triviale mais non moins juste est la description des corps entassés dans les tranchées et mangés, presque dégustés, par des rats qui pullulent et «sortent les yeux à petit coups de griffes». Sans épate, avec des mots simples et crus, les deux complices donnent chair au conflit qui fit dire à Paul Valéry : «nous autre civilisation savons désormais que nous sommes mortels».

Nadja Pobel

Nous crions grâce
Au Théâtre de l'Iris, jusqu'au samedi 12 avril


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