Bufalino au faîte et dans les faits

A l'occasion de sa participation à l'exposition "Motopoétique" au Musée d'Art Contemporain, portrait en roue libre de l'artiste Benedetto Bufalino, poète et humoriste des espaces publics. Jean-Emmanuel Denave


La dépêche vient de tomber sur nos téléscripteurs affolés : l'artiste lyonnais Benedetto Bufalino sera à l'affiche de l'exposition Monumenta 2020. Eu égard à sa volonté expresse de ne pas exposer dans des lieux clos, Monumenta lui donnera donc les clefs de la Tour Eiffel afin qu'il construise de quoi les porter (cf. ci-dessus le visuel de son projet).


Benedetto Bufalino est né en 1982 avec la ferme volonté de s'exprimer hors espace utérin, soit encore dans ce que certains (le psychanalyste Winnicott en l'occurrence) appellent un espace transitionnel fait de jeux, d'humour et de créativité. Plus grand par la suite, il sublimera ses expériences gazouillantes dans le monde dit des adultes et des espaces publics. Certains se souviennent sans doute de sa cabine téléphonique transformée pour une Fête des Lumières en surprenant aquarium contenant de non moins surprenantes espèces aquatiques ! D'autres l'ont vu arriver au vernissage d'une exposition en conduisant un Vélo'v customisé en moto Yamahah (et présenté au MAC actuellement). D'autres encore ont pu visiter sa maison témoin à Oullins, construite à l'échelle 1 avec du carton...

Art modeste


Ceux qui, comme nous, auraient eu la malchance de visiter une exposition en compagnie de Benedetto Bufalino sauront pourquoi nous lui attribuons facilement le titre de Diogène de l'art contemporain. En effet, alors qu'on s'extasie sur certaines peintures ou autres installations dans un quelconque "white cube" lyonnais, le jeune artiste s'étonne en glissant à nos oreilles : «oui, certes, c'est bien fait, mais à quoi bon se donner la peine de réaliser des œuvres pour les mettre dans un centre d'art ou une galerie ? Pourquoi au XXIe siècle s'adresser seulement à quelques curieux et amateurs d'art ? Bref, à quoi bon faire de l'art si ce dernier ne se confronte pas à la vie "réelle", à l'espace public, aux "gens ordinaires" ?» Avec Bufalino, les automobiles se métamorphosent en guirlande ou en pot de fleurs, les voitures sans permis se targuent d'une carrosserie de Ferrari, les maisons peuvent devenir roulantes et les caravanes volantes !


Vous l'aurez compris, le jeune artiste - dont on peut consulter le travail sur le site Documents d'artistes en Rhône-Alpes : www.dda-ra.org - a autant d'humour que d'imagination, mais au-delà du "gag" se profilent aussi une critique de la bêtise contemporaine, un esprit utopiste, une "poétisation" de l'espace public. Le critique Frédéric Bellay souligne aussi sa modestie, qui est chez lui à la fois une éthique et une manière de composer ses œuvres. Modestie que, l'instant d'un papier et d'une image (inédite), nous propulsons au sommet imaginaire d'un édifice public.


Benedetto Bufalino
Au Musée d'art contemporain,  dans le cadre de l'exposition collective Motopoétique, jusqu'au dimanche 20 avril


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