Mumblefolk

Lieu de choix pour les concerts au plus près de l'âme – se souvenir de Peter Von Poehl – Le Temple Lanterne accueille sous le bon patronage du label Echo Orange une réjouissante soirée antifolk où officieront deux de ses figures trop méconnues : Ish Marquez et surtout Turner Cody. Stéphane Duchêne


L'un porte éternel chapeau et moustache et/ou barbe-rousse, French gentleman à la Dutronc/Gainsbourg croisé Huckleberry Finn antifolk. L'autre aurait plutôt des airs de Joe l'Indien, parce qu'il donne pareillement envie de se taire. Le patron de l'antifolk, dixit Adam Green, qui s'y connaît, c'est ce dernier, et ses "disques" autant de trésors cachés.

Antifolk. Ce truc aura donc survécu aux années 2000 quand bien même par chez nous les Coming Soon ont viré de bord ; ce qu'il reste d'Herman Düne est retourné à un relatif anonymat après un tout aussi relatif succès, sans que l'on sache lequel, de l'anonymat ou du succès, est dû à l'abandon du dogme antifolk ; tandis qu'Adam Green lui-même s'est avec l'âge mis à crooner. En tout cas, avec des dizaines d'autres, Turner Cody et Ish Marquez travaillent à sa survie. Marquez – figure d'autant plus fascinante qu'elle est médiatiquement quasi-inexistante, comme un équivalent new-yorkais de l'incorruptible André Herman Düne – y travaillant sans doute un peu plus que Cody, davantage brouilleur de pistes.


Sérénade


Il n'en demeure pas moins que Cody, par ailleurs lui aussi intime des Herman Düne, est à l'image de tout anti-folkeux : une discographie longue, des morceaux en pagaille sur la moitié des compilations du genre et des apparitions sur quelque BO de film exigeant – Un prophète en l'occurrence. Pour le reste sa dernière sortie est bel et bien folk mais guère anti. Ca s'appelle The Last of Big Time Spenders, est c'est aussi le titre d'une ballade du Billy Joel encore (vaguement) fréquentable de Streetlife Serenade. C'est d'ailleurs à une sérénade urbaine et existentielle que s'y livre Turner dans une veine Simon/Cohen/Dylan absolument magnifique (I Know How I Feel About You donne une sacrée envie de boire en se traînant dans les rues de la branchitude brooklynite ou sur la promenade de Coney Island). Cody a tout l'air d'une transposition folk du mouvement mumblecore (ce courant de cinéma d'auteur américain fauché qui commence seulement à faire son trou ici et nous a donné Greta Gerwig, soit-il béni pour ça) en même temps qu'une sorte de chaînon manquant entre le hipster et l'antifolkeux pur et dur – il a d'ailleurs ouvert un club en ce sens. Son art consommé de la comptine pour adulte en fait un fichu songwriter qui n'aurait sans doute aucun mal à tirer des larmes à une salière.

Turner Cody + Ish Marquez [+ Echo Orange Superfolk Experience]
Au Temple Lanterne, lundi 21 avril


<< article précédent
Perdu dans l'espace