L'esprit et la lettre


On allait écrire que dans le Love Letters des laborantins pop de Metronomy, infiniment bien produit et qui régalera sans doute les amateurs de vinyles et de son analogique – il a été enregistré dans le temple vintage Toe Rag – il manquait l'essentiel : des tubes. C'est effectivement ce qui apparaît lorsque l'on commence à se pencher sur ce troisième album, ou plutôt ce qui n'apparaît pas. L'emballage est tellement beau, le paquet cadeau si riche de couches successives, qu'on a le plus grand mal à dénicher le trésor qui s'y cache.

Peut-être aussi, depuis Nights Outs (2008), s'est-on habitué, en enfants trop gâtés rendus paresseux par les sucreries, à un excès de générosité mélodique qui culmina fort haut avec The English Riviera, son The Look ravageur et sa Corinne aguicheuse. Le tube c'est la lettre de la pop, mais il y a, dit Saint-Paul dans son deuxième épître aux Corinthiens, la lettre et l'esprit. Et si l'on accepte ce principe, alors Love Letters et son esthétique suédée font mouche à coups de compositions aux rondeurs bizarres, profondément mélancoliques et infiniment vénéneuses (Monstrous, enfant du placard de Bowie, Michael Nyman et The Notwist).

Dans Blue Velvet de David Lynch, la «love letter» est, dans la bouche du terrible Frank Booth/Dennis Hopper, la métaphore d'une balle en plein cœur. Il dit : «If you receive a love letter from me, you're fucked forever». C'est un peu l'idée ici : pour peu qu'on ne tente pas d'esquiver, on peut très bien ne pas se relever des lettres d'amour de Metronomy. «La lettre tue, l'esprit fait vivre» dit encore Saint-Paul. Metronomy fait ici les deux.

Stéphane Duchêne

Metronomy
Au Radiant-Bellevue, mercredi 30 avril


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